Communiqué commun
Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
A l’approche de l’audience qui se tiendra le 1er octobre suite à l’appel formé par deux présumés tortionnaires algériens résidant en France, Hocine Mohamed et Abdelkader Mohamed, contre l’ordonnance de mise en accusation prononcée à leur encontre au terme de onze années d’instruction, en décembre 2014, nos organisations dénoncent la volte-face du Parquet général qui demande l’accomplissement d’actes complémentaires d’instruction en Algérie.
« Cette position du Parquet général, alors que le Parquet de première instance avait requis la mise en accusation des mis en examen, est inacceptable. Cela revient purement et simplement à enterrer le dossier », a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et responsable du Groupe d’action judiciaire.
L’ordonnance de mise en accusation des frères Mohamed devant la Cour d’assises du Gard pour y répondre de faits de torture, rendue le 24 décembre 2014, est venue ponctuer plus de dix années de procédure judiciaire. Une information judiciaire avait été ouverte au sein du TGI de Nîmes, à la suite de la plainte déposée en octobre 2003 par la FIDH et la LDH, qui accompagnent les sept parties civiles algériennes dans la procédure. Cette plainte était fondée sur la compétence extraterritoriale des juridictions françaises, en application de la Convention des Nations unies contre la torture.
Hocine et Abdelkader Mohamed avaient ensuite été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. Tous deux sont accusés de crimes de torture et de disparitions forcées commis au nom de la lutte antiterroriste dans la région de Relizane en Algérie dans les années 1990. L’information judiciaire avait permis de recueillir des témoignages probants à l’encontre des miliciens. En juillet 2013, le Parquet de Nîmes avait requis la mise en accusation des frères Mohamed devant la Cour d’Assises.
« Une fois encore, la France se soustrait à ses obligations en vertu du droit international, en faisant obstacle à la quête de justice des victimes algériennes. Cela est d’autant plus grave que depuis l’adoption de la Charte pour la réconciliation en Algérie, en 2005, toute tentative d’obtenir justice en Algérie est vaine », a ajouté Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.
La décision de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Nîmes devrait être rendue d’ici à la fin de l’année.
Lire le Question – Réponses concernant l’affaire
Paris, le 29 septembre 2015
Contexte :
Dans les années 1990, l’Algérie a été en proie à une guerre civile très violente, opposant les services de sécurité, les milices armées par l’Etat et les groupes islamistes armés. Dans ce contexte, les exécutions sommaires, les meurtres, les actes de torture, les viols, les enlèvements et les disparitions étaient devenus pratique courante des différentes parties au conflit et ont été perpétrés dans l’impunité la plus totale. Les groupes de « légitime défense » de la wilaya (département composé de 38 communes) de Relizane comptaient environ 450 membres au début de l’année 1994.
Les chefs miliciens ont été recrutés parmi les présidents des délégations exécutives communales (DEC) du département de Relizane. Ces délégations ont été mises en place en 1992 par le ministère de l’Intérieur suite aux dissolutions des assemblées populaires communales (mairies) contrôlées par le Front islamique du salut (FIS). L’implication dans les milices était aussi une source d’enrichissement considérable (au travers des vols et pillages) pour les miliciens, auxquels l’Etat versait par ailleurs une solde.
Les milices de Relizane se sont illustrées, entre 1994 et 1997, par de très nombreuses exactions pratiquées contre la population civile dans leur circonscription, celle-ci étant à leur merci.
Au sein de ces milices, Hocine Mohamed, premier adjoint du président de la Délégation exécutive communale de Relizane, et son frère, Abdelkader Mohamed, président de la Délégation exécutive communale de H’madna et à la tête de la milice de cette commune, sont suspectés d’avoir commis ces exactions et terrorisé la population.