Ces 9 et 10 avril, le Premier ministre français Manuel Valls se rendra en Algérie pour prendre part au 3e « comité interministériel de haut niveau » entre l’Algérie et la France. Cette rencontre, qui vise à stimuler le partenariat entre les deux pays, devrait également aborder la coopération antiterroriste et la « sécurité dans la région », avec les dossiers maliens et libyens.
Si les questions sécuritaires ont leur importance, il ne peut y avoir de compromis avec les droits humains. Au contraire, les solutions et les politiques les plus efficaces et durables sont celles résolument fondées sur l’Etat de droit et ancrées dans le respect des droits humains.C’est pourquoi, à l’occasion de cette visite, EuroMed Droits et ses membres ont adressé une lettre à Monsieur le Premier Ministre Manuel Valls, dans laquelle nous l’interpellons pour que la question des droits humains et des libertés fondamentales, y compris les libertés syndicales, soit au cœur de l’agenda avec ses homologues algériens.
En début d’année, nous interpellions déjà les autorités européennes et l’ensemble des Etats membres, sur le grave harcèlement subit par les défenseurs des droits humains en Algérie, lequel s’accompagne d’un profond affaiblissement de l’Etat de droit dans le pays. Ces dernières semaines encore, de nombreux militants des droits humains et syndicats autonomes en Algérie ont subi des entraves à leurs activités, et ce malgré les recommandations émises par des instances internationales telles que le Parlement européen et l’Organisation Internationale du Travail.Ainsi, ces 21 et 22 mars, plus d’une centaine d’enseignants ont été arrêtés lors de manifestations pacifiques dénonçant leurs contrats précaires. Le 6 février, c’est un important déploiement policier qui a empêché une réunion sur le thème des politiques d’austérité dans un local privé, la maison des syndicats d’Alger. Six militants ont été arrêtés.
Sur fond de crise sociale et économique, tout est prétexte en Algérie à l’étouffement des voix dissidentes. On assiste à une criminalisation de la contestation pacifique, et à la suspension des libertés de réunion et d’association, déjà sérieusement entravées par la loi. Les libertés syndicales sont constamment bafouées, et les syndicalistes autonomes harcelés depuis des années. Plusieurs d’entre eux ont été licenciés ou suspendus de leurs postes dans la fonction publique. Malgré les recommandations de l’OIT, ils n’ont jamais été réintégrés.
En accord avec les recommandations du Parlement européen du 30 avril 2015 sur l’Algérie, et de la Commission des normes de l’OIT adressées à l’Algérie en juin 2015, EuroMed Droits et ses membres exhortent Monsieur Manuel Valls à demander à ses homologues algériens la libération des militants arrêtés, la fin du harcèlement judiciaire et policier des syndicalistes autonomes et des défenseurs des droits humains et la garantie des libertés d’association et de réunion et les libertés syndicales, en conformité avec la constitution algérienne et les conventions internationales ratifiées par l’Algérie.
Accompagné d’une importante délégation de ministres et d’hommes d’affaires, la visite du Premier ministre intervient dans un contexte de réchauffement des relations entre les deux pays. Il y a de la part des autorités françaises une volonté d’impulser une nouvelle dynamique pour rénover et développer la relation entre l’Algérie et la France. Il est essentiel que les droits humains soient au cœur de ce rapprochement. Pour des relations saines et durables, il faut engager le dialogue sur tous les fronts. Notre réseau demande à ce que les questions des libertés et des droits humains soient un sujet prioritaire des entrevues de Manuel Valls et des autorités algériennes cette semaine en Algérie.
Bruxelles, 8 avril 2016