Année de l’Algérie

Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture
Algérie-droits de l’Homme pour tous
Amnesty International, section française
Collectif des familles de disparus en Algérie
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
Fondation France Libertés
Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme
Ligue française des droits de l’Homme
Reporters sans frontières
Vérité et Justice pour l’Algérie

A Monsieur Jacques Chirac
Président de la République
Palais de l’Elysée
Paris

 Monsieur le Président,

A l’occasion de la visite du Premier ministre algérien monsieur Ali Benflis en France, le 17 janvier 2003, nous tenons à exprimer notre vive préoccupation face à la situation des droits de l’Homme en Algérie. Cette visite s’inscrit dans le contexte de l’année de l’Algérie en France, qui vise, selon les mots mêmes du Président du Comité d’organisation monsieur Hervé Bourges, à « renforcer la connaissance mutuelle et les liens amicaux » entre les deux pays. Si cette démarche est a priori positive, nous craignons que ces célébrations officielles ne servent aussi à masquer la tragique réalité que vit ce pays au quotidien.

En effet, la violence politique et la répression sont le lot quotidien des Algériens. En 11 ans d’État d’urgence, durant une guerre civile qui ne veut pas dire son nom, plus de 100 000 personnes ont trouvé la mort ; des milliers d’autres ont disparu ; d’autres ont été victimes d’exécutions sommaires, de torture systématique… Les manifestations sont réprimées dans le sang, comme en Kabylie où, depuis avril 2001, elles ont fait plus de cent morts et un millier de blessés. Alors que l’on estime à plus de 7000 les victimes de disparition forcée en Algérie ces onze dernières années, les familles de disparus continuent à demander en vain la vérité et la justice et se heurtent à l’indifférence et au mépris des autorités, voire aux violences des forces de l’ordre. Les autorités prétendent que la violence n’est plus qu’un phénomène résiduel, et pourtant plus de 1000 personnes ont été tuées au cours de l’année 2002.

Dans un climat d’impunité généralisée, les responsables des exactions ne sont pas inquiétés. Les défenseurs des droits de l’Homme sont fréquemment victimes de harcèlement et de violences ; lorsqu’ils demandent que des enquêtes soient diligentées pour identifier et punir les auteurs de violations, ils sont poursuivis par la justice et condamnés. La situation de la liberté d’expression est également préoccupante : les journalistes algériens font régulièrement l’objet d’intimidations, de menaces et de poursuites judiciaires.

Pour ces raisons, nous avons décidé, tout au long de l’année 2003, et parallèlement à la célébration officielle, d’exprimer nos inquiétudes et notre solidarité en organisant des débats et des événements publics, afin de faire entendre la voix des exclus, des victimes et des oubliés, et de rappeler la situation réelle des droits de l’Homme en Algérie.

Nous tenions à vous rappeler le contexte de ces violations systématiques des droits fondamentaux avant votre rencontre à Paris avec monsieur Benflis, afin que la France use de toute son influence auprès des autorités algériennes pour qu’elles respectent ces droits. L’Algérie a en effet ratifié les grands textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme ainsi que l’Accord d’association avec l’Union Européenne, qui comprend une « clause droits de l’Homme », et qui s’accompagne d’une résolution spécifique, votée par le Parlement Européen.

Il est par ailleurs important que les autorités françaises contribuent à aider concrètement les Algériens, en particulier en favorisant leur accueil en France au titre de l’asile. Enfin, nous demandons aux autorités françaises de s’engager à établir la vérité sur les crimes commis durant la guerre d’Algérie, ce qui favorisera les démarches à entreprendre auprès des autorités algériennes.

Nous espérons que notre appel retiendra votre attention, et nous vous prions de croire, monsieur le Président, en l’expression de notre très haute considération.

Signataires :

Abdennour Ali Yahia, président  de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme,
Sylvie Bukhari de Pontual, présidente de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture
Kamel Daoud, président de l’association Algérie-droits de l’Homme pour tous
Nassera Dutour, porte-parole du Collectif des familles de disparus en Algérie,
Driss El Yazami, secrétaire général de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme,
Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières,
Danielle Mitterrand, présidente de la Fondation France Libertés,
Francis Perrin, président d’Amnesty International, section française,
Michel Tubiana, président de la Ligue française des droits de l’Homme,
Nesroulah Yous, secrétaire général de Vérité et Justice pour l’Algérie

Paris, le 16 janvier 2003

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