Communiqué commun dont la LDH et la FIDH sont signataires
Nos organisations appellent la République française à protéger l’espace civique en Hongrie et dans l’Union européenne (UE) en rejoignant l’action engagée par la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre la loi hongroise de 2023 sur la protection de la souveraineté nationale.
L’Office pour la protection de la souveraineté, organe chargé de l’application de cette loi, a déjà pris pour cible des organisations de premier plan telles que Transparency International Hongrie et Átlátszó, dans ce qui semble être des représailles à leur travail de dénonciation de la corruption et du détournement de fonds européens en Hongrie. Au vu des récentes déclarations du SPO, il est probable que d’autres groupes soient à leur tour visés. Plus préoccupant encore, le Premier ministre Viktor Orbán a récemment intensifié cette répression en promettant d’« éliminer » ces organisations ainsi que d’autres acteur-ice-s pro-démocratie, défenseur.e.s de l’Etat de droit et médias indépendants.
Le président de la République a décerné au directeur exécutif de Transparency International Hongrie le titre de Chevalier de l’ordre national du mérite, reconnaissant ainsi l’engagement de l’organisation en faveur des valeurs démocratiques, qui sont au cœur de la tradition constitutionnelle française ainsi que du projet européen.
Ceci constitue un geste fort, d’autant plus crucial dans le contexte actuel. Il importe maintenant que cette marque de reconnaissance soit appuyée par une action en justice. La France devrait intervenir dans l’affaire C-829/24 portée par la Commission européenne devant la CJUE afin de protéger les valeurs fondatrices de l’UE, ainsi que l’ensemble des associations indépendantes, des journalistes et des défenseur.e.s des droits humains, qui sont actuellement menacé-e-s en Hongrie.
Le délai pour déposer une demande d’intervention devant la Cour est fixée au 27 février 2025.
L’intervention de la France dans l’affaire devant la CJUE serait bien plus qu’une réaction aux menaces immédiates pesant sur les journalistes et défenseur-e-s des droits humains en Hongrie. Elle permettrait également de répondre aux défis croissants pesant sur l’espace civique dans l’Union, et de renforcer la résilience de la société civile européenne (1). De plus, elle préviendrait la normalisation ou la tolérance des représailles exercées par certains Etats membres à l’encontre des ONG coopérant avec les mécanismes de l’UE en matière d’Etat de droit.
Nous vous remercions pour l’attention portée à cet appel urgent et attendons une action décisive de la France devant la justice européenne.
Le 14 février 2025
Signataires : Amnesty International, Civil Liberties Union for Europe, Committee to Protect Journalists, Democracy Reporting International, European Centre for Press and Media Freedom, European Federation of Journalists, Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), Human Rights Watch, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Media Diversity Institute, Netherlands Helsinki Committee, Reclaim, Reporters Sans Frontières, The Good Lobby Profs, Transparency International EU
1 – La France s’est déjà engagée en faveur de la défense de l’espace civique en approuvant les conclusions du Conseil européen du 27 juin 2024 sur une Europe libre et démocratique, ainsi que celles du Conseil de mars 2023 sur le rôle de l’espace civique dans la protection et la promotion des droits fondamentaux dans l’UE.
Télécharger la lettre ouverte commun en pdf.
Contexte :
En réponse à une menace importante pour les valeurs de I’Article 2 du TUE, la Commission européenne a déféré la Hongrie devant la Cour de justice de l’UE, estimant que la loi enfreint plusieurs dispositions du droit de l’UE, y compris les droits à la liberté d’expression, de réunion, et d’association de l’UE. Les Etats membres peuvent se joindre à cette affaire déterminante avant le 27 février. Il s’agit de la deuxième affaire majeure concernant la portée des obligations des Etats membres en matière de droits civils à être portée devant la CJUE au cours de ces dernières années. La première était l’affaire anti-LGBTQI de 2023, également contre la Hongrie d’Orbán, dans laquelle la France est intervenue aux côtés de 15 autres Etats membres.
Publications :
• Reclaim, « Legal Opinion on the Compatibility of Act LXXXVIII of 2023 on the Protection of National Sovereignty with EU Primary and Secondary Law » (juillet 2024)
• Reclaim, « Factsheet: Viktor Orbán’s Sovereign Protection Office » (janvier 2025)
• Transparency International Hongrie, « Hungary’s Sovereignty Protection Office Acts Unlawfully » (novembre 2024)
• Lettre collective d’ONG, « We Stand With Transparency International Hungary and Átlátszó: EU Needs To Urgently Protect Civic Space in Hungary » (juin 2024)
• Amnesty International, Comité Helsinki Hongrie, « Hungary’s Act on the Protection of National Sovereignty in Breach of EU Law » (février 2024)
• Human Rights Watch, « Draft Security Law Targets Civil Society and Journalists in Hungary », (novembre 2023)
• Human Rights Watch, World Report 2025, Hungary (janvier 2025)