ISR 002 / 1117 / OBS 112
Diffamation / Harcèlement / Entraves au droit à la liberté d’association
Israël / Territoires palestiniens occupés
10 novembre 2017
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, partenariat entre la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés.
Nouvelle information :
L’Observatoire a été informé par des sources fiables d’une campagne de diffamation en cours à l’encontre de M. Shawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq et secrétaire général de la FIDH et à l’encontre de Mme Nada Kiswanson, avocate spécialisée en droits humains, représentante d’Al-Haq en Europe et devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas.
Selon les informations reçues, le 23 octobre dernier, le Centre Meir Amit d’Information sur les Renseignements et le Terrorisme[1]a publié un article décrivant M. Jabarin comme « ancien membre d’une organisation terroriste » – le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et alléguant ce qui suit : « Shawan Jabarin, ancien membre actif du FPLP actuellement à la tête d’une ONG palestinienne de défense des droits humains a récemment présenté un rapport au procureur de la CPI accusant Israël de ‘crimes de guerre’, espérant inciter le procureur à ouvrir une enquête contre Israël. »
Cet article poursuit en affirmant que « M. Jabarin porte une double casquette, d’une part, celle d’un terroriste actif et, d’autre part, celle d’un militant œuvrant dans une organisation qui se présente comme un acteur de défense des droits humains », et que « M. Jabarin voyage beaucoup dans le monde entier pour promouvoir une ‘guerre juridique’ et mener une propagande anti-israélienne ».
Cet article, qui implique également Mme Kiswanson, dénonce la présentation d’un rapport d’Al-Haq au procureur du TPI, dévoilant les crimes de guerre israéliens, en septembre 2017.
L’Observatoire rappelle que le Centre Meir Amit d’Information sur les Renseignements et le Terrorisme n’en est pas à son coup d’essai. Cette plateforme a déjà publié des articles diffamatoires visant M. Jabarin. En 2013, la plateforme en ligne titrait « Terrorisme et droits humains : Shawan Jabarin, directeur d’organisation de défense des droits humains et terroriste du FPLP a récemment voyagé en France pour participer à une campagne contre Israël ».
La multiplication des attaques contre Al-Haq coïncide avec les avancées enregistrées au niveau de la CPI et les décisions de l’Union Européenne en matière d’étiquetage des produits des colonies. Depuis ces avancées, plusieurs journaux, organisations et institutions israéliens s’en sont pris à Al-Haq cherchant à discréditer l’organisation.
Des fonctionnaires au plus haut niveau auraient tenté d’empêcher des donateurs de collaborer avec Al-Haq (voir rappel des faits). En outre, plusieurs donateurs auraient rencontré des difficultés pour transférer des fonds à Al-Haq. À de multiples reprises depuis le début de l’année 2017, des fonds envoyés à Al-Haq ont été retournés au correspondant bancaire. Après enquête, Al-Haq et ses donateurs ont appris que des courriers à l’entête de l’autorité monétaire palestinienne avaient été adressés à la banque accusant Al-Haq de ne pas être éligible au transfert de fonds. L’autorité monétaire palestinienne a démenti avoir envoyé ces courriers.
L’Observatoire condamne vivement cette campagne de diffamation en cours dont sont victimes Al-Haq et ses membres et qui porte des accusations dénuées de tout fondement. L’Observatoire dénonce des représailles manifestes visant les activités pacifiques et légitimes de défense des droits humains d’Al-Haq, notamment sa collaboration avec le système pénal international.
L’Observatoire exhorte toutes les autorités compétentes en Israël à mener une enquête sur cette campagne de diffamation et à se conformer aux normes et standards internationaux en vigueur, notamment à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, afin d’instaurer un environnement leur permettant d’agir librement. Les autorités israéliennes sont notamment invitées à s’abstenir de tout commentaire désobligeant vis-à-vis des défenseurs des droits humains et à soutenir publiquement leur rôle primordial, y compris dans leurs critiques de la situation des droits humains en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés.
Rappel des faits[2] :
La campagne de diffamation ciblant Al-Haq et ses membres n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis septembre 2015, lorsque plusieurs de ses donateurs européens ont reçu de faux courriers envoyés par de prétendus fonctionnaires de l’Autorité palestinienne (AP), affirmant qu’Al-Haq faisait l’objet d’un audit du cabinet Ernst & Young au titre d’« irrégularités financières, de corruption, de fraude et de détournement de dons et de fonds ». Ultérieurement, le cabinet d’audit et l’AP ont confirmé que ces allégations étaient erronées et infondées dans une série de courriers officiels adressés à Al-Haq en novembre 2015.
Le 23 novembre 2015 et le 10 février 2016, Al-Haq, Al Mezan Centre for Human Rights, Addameer et le Palestinian Center for Human Rights(PCHR) ont adressé un communiqué conjoint au bureau du Procureur de la CPI, l’appelant instamment à ouvrir une enquête.
En février, en juillet et en août 2016, Mme Kiswanson et sa famille ont reçu de fréquents appels téléphoniques, courriels et messages par d’autres moyens la menaçant de mort ou menaçant sa sécurité, explicitement ou indirectement.
En mars 2016, Al-Haq a subi une série de cyberattaques par courriel contenant des chevaux de Troie, qui à défaut d’être traités rapidement, pouvaient corrompre des fichiers et donner accès à la base de données d’Al-Haq. La complexité de ces attaques confirme que seule une entité disposant de ressources informatiques très sophistiquées pouvait en être l’auteure.
De plus, des attaques visant Al-Haq et émanant du ministère de la Justice, de plusieurs journaux israéliens, d’organisations et d’institutions israéliennes, tant à l’échelon local qu’international ont été rapportées. Le Représentant permanent d’Israël auprès des Nations Unies, l’ambassadeur Danny Danon, à l’occasion d’un point de presse devant le Conseil de sécurité a associé « Al-Haq (…) dirigé par Shawan Jabarin » à la prétendue « organisation terroriste FPLP », le 29 juin 2017. L’ambassadeur Danny Danon a ainsi poursuivi ses diffamations en qualifiant Al-Haq et Al-Mezan, une autre organisation de défense des droits humains palestinienne, de « soutiens du terrorisme » et d’« instigateurs de violence ».
Des fonctionnaires irlandais ont rapporté à Al-Haq en juillet 2017 lors de leur visite à Ramallah, que le Premier ministre Netanyahu avait directement évoqué Al-Haq avec le ministre des Affaires étrangères irlandais, lui demandant de ne pas financer l’organisation.
Des sites Internet d’offres d’emplois hébergés en Arabie Saoudite et en Palestine ont publié de fausses annonces de recrutement en septembre 2017 laissant croire qu’Al-Haq recrutait des informaticiens. L’analyse de l’origine des annonces a fait apparaître que la demande émanait de fausses adresses électroniques d’Al-Haq hébergées en Roumanie.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités israéliennes en leur demandant de :
i. Assurer en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Mme Nada Kiswanson et de M. Shawan Jabarin, ainsi que de tous les défenseurs des droits humains en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés ;
ii. Mener immédiatement une enquête impartiale, indépendante et approfondie sur les événements susmentionnés ; d’en rendre publiques les conclusions afin de déférer les responsables devant un tribunal impartial, indépendant et compétent et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la législation, pour mettre fin au harcèlement que subissent les membres d’Al-Haq ;
iii. Mettre fin à toutes les formes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits humains en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés et d’assurer qu’en toutes circonstances, ces personnes soient en mesure de mener à bien leurs activités légitimes de défense des droits humains sans entrave ni crainte de représailles ;
iv. S’abstenir de tout commentaire désobligeant vis-à-vis des défenseurs des droits humains et de soutenir publiquement leur rôle primordial, y compris dans leurs critiques de la situation des droits humains en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés ;
v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par son Assemblée générale le 9 décembre 1998, notamment ses articles 1, 5(c), 6, 8.2, 9.3(a) et 12.2 ;
vi. Plus généralement, guarantir en toutes circonstances le respect des droits humains et des libertés fondamentales en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés conformément aux dispositions des instruments internationaux en matière de droits humains ratifiés par Israël.
Adresses :
• M. Benjamin Netanyahu, Premier Ministre d’Israël – Ministre des affaires étrangères ; Fax : + 972 267 055 55 / Fax : 972-2-5303367 ; Email : b.netanyahu@pmo.gov.il, pm_eng@pmo.gov.il – Tel : 972-2-5303111 ;
• M. Avigdor Liberman, Ministre de la défense ; Tel : +972 267 532 31 / Fax : +972 369 169 40 ; Email : aliberman@knesset.gov.il
• Mme Ayelet Shaked ; Ministre de la justice ; Fax : +972 262 886 18 ; E-mail : sar@justice.gov.il
• M. Shai Nitzan, Procureur général ; Tel : +972 264 668 88, Email : state-attorney@justice.gov.il
• S.E. Ambassadrice Mme Aviva Raz Shechter, Mission permanente d’Israël auprès des Nations-Unies à Genève, Avenue de la Paix 1-3, 1202 Genève, Suisse. Fax : +41 22 716 05 55. Emil : mission-israel@geneva.mfa.gov.il
• S.E. Ambassadeur Simona Frankel ; Embassade d’Israël en Belgique et au Luxembourg, Avenue de l’Observatoire 40, 1180 Bruxelles, Belgique ; Fax : +32 2 373.56.17 ; Email : web@brussels.mfa.gov.il
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques d’Israël dans vos pays respectifs.
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Paris et Genève, le 10 novembre 2017
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel dans votre réponse.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
- E-mail : Appeals@fidh-omct.org
- Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
- Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
[1] Le Centre Meir Amit d’Information sur les Renseignements et le Terrorisme est un média en ligne dont l’objectif est de contrer « une campagne de délégitimation d’Israël et du peuple juif en offrant une plateforme idéologique de promotion et de plaidoyer en faveur de politiques de sanctions, de détournement des investissements et de boycott dans de nombreux secteurs : académique, culture et sport, économie, défense et bien d’autres ». Si l’on en croit Meir Amit, cette campagne est conduite par des « organisations affiliées à l’Islam radical associées à des organisations d’extrême gauche, des organisations de défense des droits humains et des ONG de pays occidentaux. »
[2] Cf. Communiqué de presse de l’Observatoire, » Israel-Palestine: Al-Haq human rights lawyer based in The Hague receives death threats, as attacks against the organisation escalate” publié le 4 mars 2016 ; Appel urgent de l’Observatoire ISR 001 / 0816 / OBS 071 publié le 11 août 2016 et le courrier adressé au Secrétaire général des Nations Unies à propos de la campagne de diffamation à l’encontre des ONG palestiniennes Al-Haq et Al-Mezan, publié le 4 juillet 2017.