Lettre ouverte commune dont la LDH signataire, adressée à François Bayrou, Premier ministre
Le 18 septembre 2024, l’Assemblée générale de l’ONU (AGNU) a adopté à une forte majorité une résolution extrêmement importante qui reprend les conclusions de l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 19 juillet 2024 qui statuait que l’occupation du Territoire palestinien (Cisjordanie, Jerusalem Est et Gaza) par l’Etat d’Israël est illégale et que l’Etat d’Israël doit y mettre fin dans les plus bref délais ; de la même manière il doit mettre fin à la colonisation et évacuer tous les colons du territoire occupé ; par ailleurs, l’Etat d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le Territoire palestinien occupé.
L’AGNU s’est emparé de cet avis et a adopté une résolution qui reprend les conclusions de l’avis de la CIJ, en fixant une date butoir au retrait israélien, au plus tard 12 mois après l’adoption de la dite résolution, soit le 18 septembre 2025.
L’application de cette résolution s’impose à tous les Etats, donc bien évidement à la France. Hors, quatre mois après ce vote, elle n’a toujours rien fait pour l’appliquer.
L’AFPS, et ses partenaires de la Plateforme des ONG pour la Palestine (PFP), de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ont écrit au Premier ministre pour le mettre devant ses responsabilités et lui demander de prendre sans plus attendre tout acte et mesure visant à donner une application effective à la résolution de l’AGNU et à l’avis de la CIJ.
En l’absence de réponse du Premier ministre dans le délai de deux mois, nous examinerons les suites à donner à ce refus implicite.
Monsieur le Premier ministre,
Saisie par l’Assemblée générale de l’Onu le 30 décembre 2022 d’une demande d’avis « sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu son avis le 19 juillet 2024.
Cet avis indique dans les points 3 à 6 que :
– « la présence continue de l’Etat d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite ;
– l’Etat d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais ;
– l’Etat d’Israël est dans l’obligation de cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation, et d’évacuer tous les colons du Territoire palestinien occupé ;
– l’Etat d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le Territoire palestinien occupé »
L’Assemblée générale de l’ONU, à qui était destiné cet avis, l’a traduit dans la résolution A/ES-10/L.31/REV1 votée le 18 septembre 2024.
Cette résolution engage la France qui l’a d’ailleurs votée, ce dont nous nous félicitons.
La résolution reprend les conclusions de l’avis de la CIJ, en fixant une date butoir au retrait israélien, au plus tard 12 mois après l’adoption de la présente résolution.
Les obligations qui incombent à Israël font l’objet des points 2 et 3 de la résolution :
– Le point 2 « exige d’Israël qu’il mette fin sans délai à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé, laquelle constitue un fait illicite à caractère continu engageant sa responsabilité internationale, et qu’il le fasse au plus tard 12 mois après l’adoption de la présente résolution » soit avant le 18 septembre 2025.
– Cette exigence est précisée au point 3 qui « exige d’Israël qu’il s’acquitte sans délai de toutes les obligations juridiques que lui impose le droit international, y compris celles énoncées par la Cour internationale de Justice, notamment comme suit » (points a à g) : le retrait des forces militaires du Territoire palestinien occupé ; la cessation de toute activité de colonisation, l’évacuation des tous les colons ; la restitution des terres, bien immobiliers et avoirs ; le droit au retour des
Palestiniens déplacés durant l’occupation ; la réparation du préjudice ; les obligations énoncées dans les ordonnances en indication de mesures conservatoires dans l’affaire de prévention et répression du crime de génocide ; la cessation de toute entrave au droit à l’autodétermination (…) y compris son droit à un État indépendant et souverain sur l’intégralité du Territoire palestinien occupé.
– Les points suivants de la résolution déclinent les obligations qui incombent aux autres parties, les Etats (points 4 et 5), les organisations internationales (point 6) et l’Assemblée générale de l’ONU elle-même (point 7).
Au-delà des prescriptions à caractère général qui incombent aux Etats (points 4a, b, c), sont édictées des prescriptions précises, en particulier :
– les points 4.d/ii et iv enjoignent aux Etats de « prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements, qui aident au maintien de la situation illicite »
– le point 5.a/ leur enjoint de « prendre des mesures pour que leurs ressortissants et les sociétés et entités relevant de leur juridiction, ainsi que leurs autorités, s’abstiennent de tout acte qui impliquerait la reconnaissance de la situation créée par la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ou qui constituerait une aide ou une assistance au maintien de cette situation »
– le point 5.b/leur enjoint de « prendre des mesures pour mettre fin à l’importation de tout produit provenant des colonies de peuplement israéliennes, ainsi qu’à la fourniture ou au transfert d’armes, de munitions et de matériel connexe à Israël, puissance occupante, dans tous les cas où il y aurait des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils pourraient être utilisés dans le Territoire palestinien occupé »
– le point 5.c/leur enjoint de « prendre des sanctions, notamment des mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs, contre les personnes physiques et morales qui participent au maintien de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, notamment à l’égard des violences commises par les colons »
– le point 5.d/ « demande d’appuyer toute action visant à faire appliquer le principe de responsabilité au bénéfice de toutes les victimes »
Il revient donc à l’Etat français de prendre des mesures visant les acteurs français responsables de ces agissements illicites, ces acteurs pouvant être des citoyens, des entreprises, des acteurs institutionnels, publics ou privés, dont les collectivités locales.
Il s’agit donc, par des actes réglementaires :
– d’enjoindre aux acteurs économiques, financiers, d’empêcher toute activité et investissement, toute relations économique ou commerciale avec Israël qui seraient de nature à renforcer sa présence illicite dans le territoire palestinien occupé ;
– d’interdire l’importation de tout produit issus des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée ;
– d’interdire toute exportation d’armes ou de matériels connexes en direction d’Israël ;
– d’enjoindre aux colons franco-israéliens de quitter leur résidence dans les colonies ;
– de prendre des mesures contre les militaires franco-israéliens qui interviennent dans le territoire palestinien occupé.
Cette résolution a été votée il y a plus de 4 mois, et nous nous étonnons que la France n’ait pas, depuis cette date, traduit en actes les mesures contraignantes prescrites par la résolution, malgré son vote en faveur de la résolution.
La résolution du 18 septembre a été suivie d’une résolution votée le 3 décembre qui concerne les modalités de la tenue de la conférence internationale fixée du 2 au 4 juin 2025.
Celle-ci aura pour mission « d’examiner l’application des résolutions de l’Organisation des Nations unies relatives à la question de Palestine ».
Sans attendre la tenue de cette conférence, la France, comme les autres Etats, est donc tenue de mettre en application les différentes dispositions de la résolution du 18 septembre.
Nous vous demandons donc de prendre sans plus attendre tout acte et mesure visant à donner une application effective à la résolution de l’ONU et à l’avis de la CIJ, contribuant ainsi à faire cesser les multiples violations par Israël du droit international et de vous assurer de leur exécution.
Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale des droits humains (FIDH)
Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
Anne Tuaillon, présidente de l’Association France Palestine solidarité (AFPS)
François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Paris, le 24 janvier 2025