Le Pacte russo-chinois des Jeux olympiques d’hiver et le massacre ukrainien
Il eût fallu prêter plus d’attention à la déclaration sino-russe du 4 février. Ce Pacte des Jeux Olympiques d’hiver, signé à Beijing le jour d’ouverture des Jeux, annonçait la formation d’un front commun eurasiatique composé du pays le plus peuplé du globe et du pays le plus vaste, un bloc inexpugnable face à un Occident déclinant et divisé. Cette Union économique eurasienne, concrétisée le même jour par la signature de quinze accords de coopération, se coordonnerait à l’initiative Ceinture et route (dite plus souvent en France Route de la Soie).
Vingt jours plus tard, une fois écoulée la trêve des Jeux, commençaient les bombardements sur l’Ukraine. Les droits de l’Homme seront désormais violés de la manière la plus brutale, par des massacres au cœur de l’Europe, avec des milliers de citadins sans eau et sans nourriture réfugiés dans des caves et des cohortes de familles – plus de quatre millions de femmes et d’enfants – cherchant refuge aux frontières. Les conflits armés sont, depuis la nuit des temps, la pire des menaces pour les droits de l’Homme1.
Ce désastre humanitaire inattendu justifie la place inhabituelle accordée cette fois aux questions internationales, d’autant plus que la Chine constitue un élément essentiel du dispositif qui l’a provoqué. Certes, l’acteur principal du conflit est connu. Mais avant de lancer son agression, le chef d’État russe avait trouvé un encouragement manifeste dans les affirmations du chef du parti chinois : « L’amitié entre les deux États est sans limites … il n’existe aucun domaine interdit à leur coopération ». Avec une rare hypocrisie, les deux partenaires appellent tous les États à « respecter le droit des peuples à déterminer en toute indépendance les voies de leur développement, leur souveraineté et leur sécurité ». Ils affirment incarner l’un et l’autre une longue tradition démocratique : « La Russie et la Chine, en tant que puissances mondiales disposant d’un riche héritage culturel et historique, ont de longues traditions de démocratie fondées sur une expérience millénaire du développement et un large soutien populaire… ».
Les deux signataires énoncent les arguments que la partie russe allait reprendre le 24 février pour justifier son « opération spéciale » en Ukraine. Ils « s’opposent aux tentatives de forces extérieures pour saper la sécurité et la stabilité dans les zones adjacentes communes, ils ont l’intention de contrecarrer l’interférence de forces étrangères dans leurs affaires intérieures, ils combattent les révolutions de couleur et accroîtront leur coopération dans ces domaines ». Les envahisseurs ont toujours aimé se présenter comme des victimes qui cherchent à survivre. Xi Jinping, qui ne voulait pas gâcher la totalité des Jeux, a obtenu de Poutine qu’il ne fasse rien avant la fin des épreuves classiques ; peu lui importaient les Paralympiques.
La guerre d’Ukraine a bouleversé les équilibres internationaux. Son déroulement est riche d’enseignement non seulement sur le régime russe mais aussi sur le régime chinois, ce qui nous importe ici. Beijing a présenté comme d’habitude une apparence modérée, répétant des appels au dialogue qui n’avaient aucune chance d’aboutir, compte tenu des intentions russes dont il était informé. Quelques analystes ingénus ont vu dans l’abstention chinoise, lors du vote des Nations unies condamnant l’agression russe, une volonté de se désolidariser de Moscou. Se croyant sans doute perspicace, le responsable des Affaires étrangères de l’Union européenne Josep Borrell a même conclu un temps que seule la Chine ferait l’affaire pour entamer une médiation.
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