Communiqué de presse en réponse à la circulaire adressée le 17 novembre 2022 par Monsieur le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer aux Préfets portant sur l’exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF) et le renforcement des capacités de rétention.
Les signataires du présent communiqué de presse dénoncent avec la plus grande force la position prise par le ministre de l’Intérieur dans son courrier du 17 novembre 2022 sur l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF).
Cette circulaire, adressée aux préfets ainsi qu’aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie, pose le principe de l’application identique des méthodes employées pour le suivi des étrangers délinquants à l’ensemble des étrangers faisant l’objet d’une OQTF.
Cette prémisse en elle-même constitue une atteinte grave à l’Etat de droit en ce qu’elle tend à assimiler des personnes n’ayant commis aucune infraction ni aucun crime à des personnes condamnées judiciairement et propose un traitement administratif similaire.
Si le courrier du ministre de l’Intérieur prend ainsi soin de rappeler que la législation européenne a imposé la suppression du délit de séjour irrégulier, c’est bien dans le sens d’un traitement punitif des étrangers en situation irrégulière qu’il s’inscrit.
Or une personne étrangère, quelle que soit la régularité de son séjour, ne saurait être traitée en délinquant et punie pour sa seule situation administrative.
La systématisation de la délivrance des OQTF à l’égard de tout étranger en situation irrégulière, le souhait d’augmenter les décisions d’interdiction de retour et de refuser autant que possible les délais de départ volontaire, mais surtout l’inscription de ces personnes au fichier des personnes recherchées et l’assignation à résidence systématique des personnes non-placées en rétention, traduisent une politique à visée dissuasive qui renonce au principe d’un examen humain et individualisé des situations par l’administration.
L’ensemble des mesures évoquées par le ministre, en préconisant un tel traitement indifférencié des personnes en situation irrégulière, méconnaissent la complexité et la vulnérabilité des situations et des personnes tout en favorisant des mesures de privation de liberté qui portent atteinte aux libertés fondamentales.
Cette tendance régulière à renforcer les pouvoirs de l’autorité administrative privatifs ou limitatifs de libertés sans contrôle du juge fait planer une lourde menace sur l’Etat de droit.
Cette circulaire méconnait sciemment la réalité des personnes faisant l’objet d’une OQTF et oublie en particulier le nombre considérable d’OQTF délivrées non pas en raison d’un comportement qui troublerait l’ordre public mais en raison des dysfonctionnements propres à l’administration en charge des personnes étrangères. Comme il a été démontré par de nombreuses associations et par l’institution du Défenseur des Droits notamment, l’accès aux services étrangers a été largement réduit à l’occasion de la dématérialisation des procédures, précipitant ainsi de nombreuses personnes dans des situations administratives irrégulières faute d’avoir pu, à temps, faire renouveler leur titre de séjour.
Elle oublie aussi que l’un des principaux obstacles à l’exécution des mesures d’éloignement n’est pas le comportement des personnes qui en font l’objet mais le refus des pays tiers ou d’origine de les accueillir. Proposer en réponse toujours plus d’enfermement et de contrôles n’est donc pas seulement honteux et inique, ce sera aussi couteux et inefficace.
Elle tait enfin la réalité des personnes. Les OQTF sont susceptibles de toucher n’importe quelle personne étrangère et arrêtent brutalement le travail, les études, les liens affectifs, les vies – même lorsque celle-ci sont construites depuis des années en France.
Enfin il est important de rappeler qu’aucune condition de régularité de séjour n’est établie par la loi pour permettre l’accès ou le maintien dans un hébergement d’urgence. Le principe d’inconditionnalité de l’accueil permet à toute personne présente sur le territoire de bénéficier d’un hébergement et d’un accompagnement adapté à sa situation.
Les seuls effets de l’application des recommandations du ministre de l’Intérieur seront d’accroitre la société du contrôle et de l’enfermement, de précariser encore davantage une population déjà vulnérable qui contribue pourtant fortement à notre économie, de créer des conditions de vie encore plus inhumaine pour des familles entières, de renoncer à toute ambition d’intégration et d’accueil.
Liste des signataires :
Accueil Information de Tous les Etrangers d’Aix-en-Provence, Acina, Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés d’Aix-Marseille, Association des Usagers de la PADA de Marseille, Asile, BAAM, Collectif Migrants 83, Dom’Asile, Droits D’Urgence, Emmaus France, ESPACE, Famille-France Humanité,Fédération des Acteurs de la Solidarité, Habitat & Citoyenneté, Pantin Solidaires, Paris d’Exil, Mamama, Mecs du Bleymard « Le Sentier », Méditerranea Paris, Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), La Casa, La Chapelle Debout, La Cimade, Le Comède, LDH (Ligue des droits de l’Homme), LTF, Réseau Chrétien – Immigrés, Réseau Hospitalité, RESF 06 et 48, RUSF 13, Rosmerta, Roya Citoyenne, Samu Social de Paris, Secours Catholique – Délégation de Paris, Soutien 59 Saint-Just, Syndicat des Avocats de France, Tous Migrants, Thot, UniR Universités & Réfugié.e.s., United Migrants, Utopia 56, Watizat.
Paris, le 28 novembre 2022