Dans toute la région de Calais, et même au-delà, une situation de crise s’est installée depuis que l’accès au centre de Sangatte a été fermé aux nouveaux arrivants le 5 novembre dernier. Les associations soussignées, membres de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), profondément troublées par la manière dont cette crise est gérée, ont demandé à être reçues par le ministre de l’Intérieur pour faire entendre leur point de vue. Car il ne suffit pas de décréter qu’il n’y aura plus de réfugiés à Sangatte ou ailleurs pour que cela soit vrai. Alors que, depuis trois ans, justice et police ont fermé les yeux sur la présence, connue de tous, des « clandestins » de Sangatte, du jour au lendemain un impressionnant dispositif policier a été mobilisé pour tenter de les disperser. Alors que, depuis trois ans, les autorités n’ont rien fait pour que les occupants de Sangatte puissent demander l’asile en France – voire les en ont dissuadés – elles s’emploient désormais à convaincre à tout prix les personnes qui errent dans Calais et ses environs de le faire, avec à la clef un hébergement miraculeusement trouvé dans plusieurs autres départements, quand on déplore depuis plusieurs mois le sévère déficit de places en CADA (centre d’accueil pour les demandeurs d’asile) sur tout le territoire. Le droit d’asile semble du coup être utilisé pour faire partir les réfugiés du Pas-de-Calais. Contrairement à ce qui a été dit, des associations ont tenté, bien avant la fermeture de Sangatte, de pallier les insuffisances des pouvoirs publics dans le domaine de l’information sur l’asile. Mois après mois, elles se sont heurtées à de nombreux obstacles, et se sont même vu interdire l’accès au camp de Sangatte – ce refus d’accès étant d’ailleurs plus que jamais la règle. Aujourd’hui, elles sont en outre l’objet d’attaques et de propos diffamatoires. Voilà pourtant longtemps que les associations qui défendent le droit d’asile en France dénoncent le scandale d’une politique qui accorde si parcimonieusement l’asile à ceux qui le demandent, et protestent contre les nombreuses restrictions à un droit inscrit dans les engagements internationaux de la France. Au moment où le gouvernement annonce une réforme de la législation relative à l’asile et participe aux travaux européens dans ce domaine, les associations de la CFDA s’inquiètent : ce qui se déroule aujourd’hui autour de Calais préfigure-t-il la politique de l’asile qui se met en place ? Signataires : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Amnesty International Section Française (AISF), Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR), Association Primo Levi, Centre d’action sociale protestant (CASP), Comité médical pour les exilés (COMEDE), Groupe accueil solidarité (GAS), Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Service National de la Pastorale des Migrants (SNPM), Service œcuménique d’entraide (CIMADE), Service social d’aide aux émigrants (SSAE)
Elles rappellent que la seule solution à des phénomènes comme celui qui s’observe sur les côtes de la Manche est l’adoption, en Europe, de règles simples en matière de procédures d’asile, permettant notamment à toutes les personnes désireuses de réclamer la protection de la Convention de Genève de déposer leur demande dans n’importe quel pays de l’Union, et de circuler ensuite librement. Faut-il une fois de plus rappeler que l’Union européenne accueille moins de 5% des demandeurs d’asile du monde, tandis que d’autres pays, bien plus pauvres, reçoivent l’immense majorité des réfugiés ?
27 novembre 2002