Le passage à un développement durable est une urgence pour la protection et la promotion des droits de l’Homme : quels droits resterait-il à vivre si l’avenir même de l’espèce humaine était compromis par l’absence de prise de conscience et surtout de régulation de notre impact sur la planète, à l’heure de « l’anthropocène » ? Tel est l’enjeu, six ans après l’échec de Copenhague, de la « COP 21 » qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015.
D’ores et déjà, les appétits financiers et les logiques de surexploitation de la planète compromettent le droit à la survie de populations touchées, dans diverses parties du monde, par la montée des océans et les catastrophes écologiques. Ils menacent, en France comme ailleurs, le droit à un « environnement équilibré », le droit à la protection de la santé, le droit à l’eau, le droit à une alimentation saine, etc. Pour la Ligue des droits de l’Homme, aucun de ces droits ne peut être assuré sans déploiement démocratique de la citoyenneté. Ce qui implique, face à de puissants lobbies industriels, de faire respecter le droit des citoyens à l’information, à la participation politique réelle aux débats et aux décisions (sans confiscation par l’expertise) et au contrôle démocratique de leur application. Cette nécessaire transition démocratique vers un développement « soutenable » n’est nullement acquise, au vu de la violence de la contradiction entre la limitation croissante des ressources et un modèle « néolibéral » d’accumulation financière sans limites et de concurrence sans frein.
De fait, il s’agit de concilier les impératifs de survie de l’espèce humaine, dans une « transition juste », avec les droits économiques et sociaux : droits des producteurs et des salariés face aux conséquences des évolutions nécessaires ; aspiration légitime des pays pauvres et émergents au progrès économique et social. Car si personne n’est entièrement à l’abri des conséquences du changement climatique, d’intolérables inégalités existent quant aux moyens de le prévenir et d’en limiter les impacts, que ce soit entre pays ou entre classes sociales. Le développement durable doit donc être aussi un « développement humain » tel que l’entend le Programme des Nations unies pour le développement. Ce que l’on peut résumer de la façon suivante : pas d’effectivité des droits sans développement durable, pas de développement durable sans indivisibilité des droits, singulièrement sociaux et environnementaux.
Cela implique évidemment la mise en œuvre d’une nouvelle rationalité économique, fondée sur le développement des « communs », la promotion des énergies renouvelables, la relocalisation des productions et les transferts Nord-Sud de moyens de lutte contre le changement climatique. Autant dire que les responsabilités des autorités politiques sont immenses pour fixer des règles applicables aux agents économiques et financiers, articuler actions locales, régionales, nationales et intégrées par régions du monde, sachant que rien de décisif ne se fera sans un accord légitime à échelle planétaire.
Reste que, sans une forte implication citoyenne, gouvernants et diplomates ne résisteront pas aux lobbies industriels, aux égoïsmes nationaux et à la tentation d’affichages sans engagements contraignants. La société civile française est en première ligne dans ce mouvement pour la justice environnementale et pour un avenir viable de l’humanité.
C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme a appelé les citoyens à participer, et a participé activement elle-même, aux initiatives engagées, dont la tenue des villages « Alternatiba » (les 26 et 27 septembre 2015 à Paris, avec plusieurs dizaines de milliers de participants) et des nombreux débats publics visant à alerter et impliquer la société civile. Il faut rappeler que, à la veille de l’ouverture de la conférence du Bourget, convergeront vers Paris des marches citoyennes les 28 et 29 novembre, et que parallèlement à la Conférence se tiendront plusieurs événements « citoyens », dont le « Sommet citoyen pour le climat » organisé à Montreuil par la Coalition mondiale Climat 21. Enfin, au lendemain de la clôture de la conférence, la « Journée d’action pour le climat » de la Coalition signifiera publiquement, le 12 décembre, que la mobilisation mondiale des citoyens et de la société civile restera permanente.
Pour la LDH, le combat pour la maîtrise du changement climatique n’est pas « un combat de plus » pour les droits fondamentaux et pour le progrès humain : il est au cœur de tout espoir de survie même de notre espèce, du combat pour plus d’égalité et de justice dans la construction d’une autre mondialisation.