Contre la criminalisation de l’activisme environnemental et du droit de manifester en Italie et en soutien aux mobilisations nationales contre le projet de loi 1236

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Nous, les organisations, groupes et collectifs soussignés travaillant sur les droits de l’Homme, la justice climatique et l’environnement et soutenant les défenseurs des droits de l’environnement en Europe, exprimons par la présente notre inquiétude concernant le projet de loi 1236 (ex 1660) sur la sécurité actuellement en discussion au Sénat italien. Dans l’ensemble, ce décret constitue une nouvelle restriction inquiétante des droits légitimes à la liberté d’expression, de réunion et de protestation, à tel point que de nombreuses organisations italiennes de défense des droits civils et des droits de l’Homme le qualifient d’attaque la plus grave contre la liberté de protestation jamais menée au cours des dernières décennies. Cette tendance ne se limite pas à l’Italie, comme nous pouvons le constater dans notre travail de soutien au droit de manifester et de défendre l’environnement dans divers pays européens. Elle est le résultat d’une restriction progressive de l’espace civique et des droits fondamentaux qui va de pair avec l’affaiblissement de l’Etat de droit et le mépris, voire la violation, des normes et conventions internationales par un nombre croissant de gouvernements dans le monde.

Dans le cas de l’Italie, nous sommes préoccupés par l’impact de certaines prescriptions sur le droit des mouvements et des organisations de défense du climat et de l’environnement de mener des manifestations et des protestations, comme le reconnaissent les normes et les conventions internationales en matière de droits de l’Homme. L’introduction d’une infraction pénale pour les barrages humains qui accompagnerait les sanctions administratives est particulièrement inquiétante. Des circonstances aggravantes spécifiques sont également envisagées dans les cas où le barrage est effectué par plus d’une personne, avec des peines d’emprisonnement allant de six mois à deux ans.

Nous souhaitons rappeler que la question de la relation entre les activités et les initiatives des mouvements pour la justice climatique et l’exercice légitime du droit à la liberté de réunion et à la liberté d’association a été abordée, entre autres, dans une communication spécifique du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la liberté d’association et de réunion. Le rapporteur spécial se réfère à l’avis du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies selon lequel « les acteurs privés et la société dans son ensemble sont censés accepter une certaine forme de limitation de leurs activités dans l’exercice de ce droit. Toute forme de sanction prévue pour ‘l’interruption de la circulation’ ou d’autres activités de protestation publique devrait être clairement définie afin de garantir le respect des droits de l’Homme et de prévenir des formes injustes d’interférence avec le droit à la liberté de réunion pacifique » (2). En fait, les barrages routiers, en tant que mode d’exercice du droit de réunion, devraient être considérés comme une « utilisation légitime de l’espace public », au même titre que d’autres modes d’utilisation, tels que la circulation des véhicules ou des personnes ou la conduite d’activités économiques. Par conséquent, un certain niveau de « perturbation de la vie ordinaire causée par les rassemblements, y compris la perturbation temporaire de la circulation » devrait être toléré, à moins qu’il n’entraîne des conséquences disproportionnées ou un danger imminent pour la sécurité publique. D’autres préoccupations ont été exprimées par le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits environnementaux dans le cadre de la convention d’Aarhus, Michel Forst, en 2024.(2)

Par conséquent, les organisateurs de ces manifestations devraient avoir la liberté de choisir, sans ingérence des autorités étatiques, les moyens les plus efficaces pour faire passer leur message. En résumé, le blocage des routes est une forme légitime de protestation, et les États devraient donc protéger les espaces nécessaires à la désobéissance civile et aux campagnes d’action directe non violente. Aucune restriction ne doit être imposée à ces formes de protestation pacifique, et la plus grande prudence doit être de mise lorsqu’il s’agit de décider d’arrestations, d’inculpations, de détentions préventives, de condamnations ou d’amendes à l’encontre de militants pour le climat engagés dans de telles actions.

Il convient également de noter qu’en vertu d’un projet de loi distinct approuvé précédemment par le Parlement italien, les militants qui organisent des actions de protestation non violentes dans les musées ou près des monuments seraient soumis à des amendes plus élevées et à une éventuelle détention.

L’appareil répressif envisagé dans le décret sur la sécurité ne se limite pas à la « criminalisation » des pratiques de désobéissance civile non violente, mais touche également les communautés et les mouvements qui s’opposent à des infrastructures à grande échelle inutiles et imposées. En effet, une autre disposition proposée dans le décret de sécurité introduit des circonstances aggravantes (avec la possibilité d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans) pour les délits de résistance et de violence à l’encontre d’un fonctionnaire public si ceux-ci sont commis « afin d’empêcher la construction d’un ouvrage public ou d’une infrastructure stratégique ».

Enfin, nous souhaitons exprimer notre ferme condamnation du ciblage évident de groupes sociaux spécifiques par le projet de loi proposé, qui porterait atteinte à un large éventail de droits fondamentaux. En effet, cette législation criminaliserait et marginaliserait davantage les communautés vulnérables, notamment les immigrés, les mendiants, les sans-abri, les Roms, les personnes vivant dans des squats et les détenus.

À la lumière de ce qui précède, nous exprimons notre soutien et notre solidarité aux organisations, réseaux et mouvements italiens qui convergent vers une plateforme commune pour réaffirmer les droits fondamentaux à la liberté d’expression, d’association et de protestation, ainsi que pour protéger et défendre l’environnement et se mobiliser en faveur de la justice climatique et sociale.

Le 13 décembre 2024.

Signataires : Legal Team Climàximo, Portugal ; European Civic Forum, Belgium ; Network for PolicteMonitoring (NETPOL) England and Wales ; Community Rights in Greece, Greece ; Greenpeace CEE, Austria ; HOTM, Belgium ; UNITE, Belgium ; In my name, Belgium ; We buildt this, Belgium ; Artists4 Palestine, Belgium ; Queen Nikkolah, Belgium ; The Keepers, Belgium ; Cyprus NGO Initiative, Cyprus ; LDH (Ligue des Droits de l’Homme), France ; RECLAIM, Belgium ;  European Anti Poverty Network (EAPN),  Belgium ; Asociacion Cultural Baizara, Spain ; Green Legal Impact, Germany ; Protection International, Belgium ; European Environment Bureau, Belgium ; NOVACT, Spain ; Iridia – Centre per la Defensa dels Drets Humans, Spain ; XR Legal NL, The Netherlands ; ILGA-Europe, Belgium ; Statewatch, England ; Futuro Vegetal, Spain

[1]  https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n21/203/78/pdf/n2120378.pdf

[2]  https://unece.org/sites/default/files/2024- 02/UNSR_EnvDefenders_Aarhus_Position_Paper_Civil_Disobedience_EN.pdf

Télécharger l’appel en anglais.

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