Communiqué LDH
A l’heure du soixantième anniversaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (21 décembre 1965, entrée en vigueur en 1969) et à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) réaffirme son engagement contre tous les racismes et toutes les discriminations, sans exclusive, ni hiérarchie, ni exception.
Elle tient à rappeler aux Etats leur engagement à mettre en œuvre des actions pour lutter contre les discours et les actes racistes et contre les discriminations et dénonce la faiblesse des politiques publiques et des moyens déployés dans ce domaine. Elle appelle de même les partis politiques revendiquant la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, les médias et l’ensemble de la société civile à agir pour s’unir dans cette lutte, et non pour diviser, car la situation est grave.
Comme le montre le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur l’année 2023, nous assistons en France à une augmentation alarmante du racisme : les actes racistes en général ont augmenté de 32%, en particulier les actes antisémites, et aussi islamophobes.
Nous voyons évidemment l’impact de la multiplication des lois sur l’immigration et des discours de l’extrême droite et de celles et ceux qui utilisent les mêmes approches alimentant la xénophobie ambiante. Nous sommes de même bien conscients de l’impact de la guerre au Moyen-Orient et de l’usage raciste qui peut être fait des émotions et des solidarités normales qu’elle suscite, en particulier à l’égard du peuple palestinien comme envers toutes les victimes de l’attaque du 7 octobre 2023. Cet impact sur la progression du racisme est mondial, même s’il n’en est pas l’unique facteur.
Aux Etats-Unis, en 2023, les discriminations et les agressions à l’encontre des musulman-e-s et des Palestinien-ne-s ont ainsi augmenté par rapport à l’année précédente. En octobre, un enfant américain d’origine palestinienne de 6 ans a été tué à l’arme blanche et en novembre, trois Américains d’origine palestinienne ont été assassinés. On observe dans la même période une hausse massive des actes antisémites selon la Ligue anti-diffamation (ADL), principal groupe de défense des droits des juif-ve-s.
En Allemagne, pays d’une sensibilité singulière du fait de son histoire, l’association fédérale des centres de recherche et d’information sur l’antisémitisme (Rias) et le réseau CLAIM (Alliance contre l’islamophobie et la musulmanophobie) ont tous deux rapporté, en 2023, une augmentation très importante du nombre d’agressions, souvent verbales et aussi physiques, par rapport à l’année précédente.
Il faut combattre ces maux de façon unie car ils s’alimentent aux mêmes peurs et nourrissent la même haine de l’égalité et de la liberté. Pourtant, en France, nous constatons une tendance éminemment dangereuse à opposer la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre l’islamophobie. Il suffit de constater les absences de certains groupes ou partis à des rassemblements quand ils dénoncent des faits antisémites comme tout récemment le viol d’une enfant à Courbevoie, insultée en tant que juive, ou lors des rassemblements contre l’islamophobie.
Cet état de choses est profondément délétère, comme l’est l’usage de symboles et de comparaisons historiques souvent décontextualisées, et qui n’ont pour effet que de relativiser les horreurs d’hier ou celles d’aujourd’hui. Dans cette logique, nous aurions à choisir entre la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre l’islamophobie et à nous polariser sur ces sujets, en négligeant tous les autres racismes et les autres victimes, occultant ainsi le racisme contre les Roms, anti-noir-e-s ou anti-asiatiques…
Nous refusons cette logique mortifère et l’acte irresponsable consistant à opposer les causes antiracistes et les minorités entre elles. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui sèment la division au sein de l’antiracisme à plus de responsabilité, à ne jamais ajouter de la haine à la haine, à toujours la combattre.
Toute hiérarchisation et toute concurrence alimentent au final un racisme ou un autre ; or, si chaque racisme est spécifique, la lutte contre le racisme est indivisible, elle ne souffre aucune exception, ni instrumentalisation, ni relativisme.
Le 22 mars 2025, manifestons contre tous les racismes.
Paris, le 21 mars 2025