Communiqué LDH
Après quatre mois d’état d’urgence sanitaire, une fausse sortie de celui-ci, puis un rétablissement du régime d’exception, le gouvernement a saisi le Parlement d’un projet de loi « autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire » qui tend à installer la France sous un régime dérogatoire du droit commun et liberticide jusqu’au 1er avril 2021.
Le maintien de mesures administratives privatives ou restrictives de libertés ou de droits d’une ampleur sans précédent, et dont la violation est pénalement sanctionnée, confirme l’approche gouvernementale purement punitive et de défiance à l’égard de la population. Il s’inscrit pleinement dans le sillage sécuritaire de lois ou projets restreignant les libertés publiques et organisant une surveillance généralisée.
La durée cumulée de l’état d’urgence sécuritaire et sanitaire ferait que la France, depuis 2015, aurait été gouvernée pendant presque trois années sous un régime de pouvoirs exceptionnels. Alors qu’il constitue une anomalie dans une démocratie, ce régime tend ainsi à devenir un moyen utilisé pour pallier les carences des pouvoirs publics dans leurs politiques publiques relatives à la sécurité intérieure ou à la santé publique.
L’exécution de ces mesures conduirait aux mêmes dérives, abus, violences policières et discriminations qui ont affecté la période antérieure, le contrôle juridictionnel, tant administratif que judiciaire, se révélant le plus souvent totalement ineffectif. Elle conduirait encore à une aggravation des inégalités sociales et territoriales.
Profitant de l’occasion et forçant la Constitution, le gouvernement, comme il l’avait déjà pratiqué en mars 2020, entend aussi obtenir l’autorisation du Parlement de légiférer, par voie d’ordonnances, sur des pans entiers de matières législatives, les projets d’ordonnances étant, au surplus, dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Dénaturant les institutions publiques, une telle confusion des pouvoirs accentuerait la crise démocratique qui affecte notre pays.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle les parlementaires à ne pas adopter ce projet de loi qui reconduit des mesures qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux, altère l’Etat de droit et qui, octroyant des pouvoirs inédits par leur ampleur à l’exécutif, dégrade la démocratie.
Paris, le 27 octobre 2020