Communiqué LDH
Après la décision hasardeuse du président de la République de fixer la fin du confinement au 11 mai, on aurait pu s’attendre à un retour au fonctionnement normal de notre démocratie et de nos institutions. Au lieu de quoi, le gouvernement maintient un état d’exception en prolongeant l’état d’urgence sanitaire pour deux mois supplémentaires, jusqu’au 24 juillet prochain.
Pour cette période, le Parlement est sommé en urgence d’abandonner des pouvoirs exorbitants à l’exécutif : celui-ci pourrait décider seul, avec les conseils de comités de scientifiques qu’il a choisi, de restreindre les libertés publiques et d’organiser la reprise de l’activité économique et sociale. Même le Conseil d’Etat, jusqu’ici bien timoré, s’en émeut et pointe des dérogations aux dispositions légales de droit commun qui ne pourront se fonder sur les justifications avancées.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’inquiète que la nécessaire lutte contre la pandémie du Covid-19 et la gestion de la sortie du confinement s’inscrivent dans une continuité autoritaire du pouvoir, assortie d’un mépris de l’Etat de droit, notamment à travers la mise à l’écart du pouvoir législatif et la marginalisation d’une justice diminuée par une mise en sommeil.
Le même projet de loi accorde des prérogatives préoccupantes aux préfets concernant des mesures individuelles de privation de liberté des personnes entrant sur le territoire, sans contrôle préalable d’un juge et sur la constitution d’un fichier sanitaire recueillant des données sensibles relevant du secret médical (l’état de santé de la personne). A quoi s’ajoute que l’application StopCovid reste envisagée en dépit des vives critiques portées sur son utilité et ses risques.
L’impréparation patente du gouvernement place les élus locaux et les décideurs économiques devant le fait accompli dans une cacophonie préjudiciable. Au lieu d’associer pleinement la représentation nationale, la société civile, les organisations syndicales et plus largement les citoyennes et les citoyens qui ont fait preuve d’esprit de responsabilité et d’une solidarité remarquable, l’exécutif exige une obéissance aveugle, sans critique possible, allant jusqu’à labelliser l’expression de la presse.
Face aux légitimes angoisses de la population, les conditions satisfaisantes d’une sortie du confinement restent à discuter, à préciser et à garantir rapidement dans les écoles, les entreprises, les transports… L’accès aux soins, aux masques comme aux tests doit être offert à toutes et tous, et dans tous les territoires, sans exclusion aucune, sans barrage financier.
Il revient au Parlement d’assumer pleinement son rôle de décision et de contrôle. La LDH attend de lui qu’il refuse ces nouvelles atteintes aux droits et libertés de toutes et tous.
Paris, le 5 mai 2020