Défendre l’université et la recherche pour défendre la démocratie

Communiqué LDH

L’université et la recherche font aujourd’hui l’objet d’attaques d’une violence sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, partout dans le monde et particulièrement depuis l’élection de Trump aux Etats-Unis. Selon un rapport rédigé par une équipe de chercheurs germano-suédoise, publié le 13 mars 2025, l’indice de liberté académique est en « déclin significatif » dans 34 pays et territoires depuis dix ans. Les universités, les organismes et institutions de recherche, les agences de régulation, sont systématiquement attaquées dans leurs fondements et missions, mais aussi dans leur capacité à fonctionner, par l’administration Trump.

La communauté scientifique est ainsi visée pour ce qui fonde le cœur de son activité, la démarche scientifique, l’honnêteté des interprétations, la liberté de la pensée, et la recherche d’une connaissance qui soit appuyée sur des faits et la vérification des démonstrations ou expériences. Les libertés académiques sont bafouées directement par les décrets américains contrôlant le vocabulaire scientifique et interdisant l’usage de mots – « femme », « diversité, « changement climatique », « minorités » – dans la recherche sous peine de suppression des financements. Il s’agit bien, en entravant le travail scientifique, de distordre les faits, c’est un projet de réécriture du réel que porte Donald Trump. Les décisions de Donald Trump entraînent aussi de graves conséquences pour les communautés scientifiques hors des Etats-Unis mêmes qui travaillent en réseau qui incluent ces équipes états-uniennes. C’est le travail scientifique de l’humanité qui est ainsi attaqué. Particulièrement sur le chantier vital du réchauffement climatique, tout comme en matière de protection de la santé.

Dans le contexte exacerbé aux Etats-Unis, mais qui se développe de façon plus partielle dans d’autres pays (comme en Hongrie, en Italie), la LDH (Ligue des droits de l’Homme) rappelle son attachement à la pleine indépendance du monde universitaire, partout dans le monde. Cette indépendance doit être garantie vis-à-vis de toute emprise d’un pouvoir économique, confessionnel, idéologique et aussi politique.

En France, la liberté académique est un principe constitutionnel depuis 1984 qui interdit juridiquement l’intervention du pouvoir dans la gouvernance d’une université, et la LDH souhaite rappeler l’importance de renforcer l’indépendance de la communauté scientifique travaillant en France et particulièrement la liberté académique malmenée ces dernières années :

– quand les travaux des universitaires dans les domaines des études de genre, des études post-coloniales, sur les forces de l’ordre, les mouvements sociaux, les questions environnementales sont délégitimées par des propos infondés émanant de responsables politiques ;

– quand des membres du gouvernement remettent en cause la pertinence des débats ou analyses, s’exprimant sur cela parfois au sein même des établissements ;

– quand une réforme du CNRS disant viser à concentrer les moyens sur quelques « key-labs » malmène la liberté de la recherche ;

– quand la légitime controverse interne à la communauté scientifique est compromise par des procédures-bâillons ou des procédés d’intimidation internes ou externes ;

– quand l’accès aux sources ou instruments de recherche est entravé ;

– quand les moyens et budgets sont réduits par de coupes budgétaires importantes entrainant des mises sous-tutelle d’universités ;

– quand les formations sont évaluées selon des modalités et sur des critères contestables, ce qui peut porter atteinte à la liberté d’enseignement et ne relever que d’un cadre de pensée utilitariste et néolibéral ;

– quand se multiplient les interdictions de réunions ou de conférences, portant gravement atteinte à la liberté d’expression ;

– quand le libre accès aux études supérieures semble remis en cause par les réformes récentes combinées à des annonces de réduction de capacité d’accueil.

La démocratie est en danger

Les universités sont un indispensable rempart face aux projets totalitaires et antidémocratiques. Elles sont des lieux de production d’un savoir scientifique, de formation à l’esprit critique et à la citoyenneté, d’émancipation individuelle et collective, de résistances à la détérioration profonde du débat public. Leur financement public est une garantie d’indépendance par rapport à des intérêts particuliers qui souhaitent orienter la recherche scientifique dans un sens qui réponde à leurs intérêts propres. C’est aussi en cela et comme cela que les universités sont un élément constitutif des fondements de la démocratie. Le service public d’enseignement supérieur et de recherche doit pouvoir rester un garde-fou de préservation d’une connaissance partagée face aux menaces réactionnaires ou obscurantistes qui vont de pair avec la situation internationale.

Il faut assurer l’indépendance professionnelle des communautés d’enseignement supérieur vis-à-vis des ingérences indues des différents pouvoirs, et préserver leurs principes de fonctionnement dérogatoires au droit commun, aujourd’hui fragilisés par des pressions multiples :

– les universitaires doivent être recrutés et jugés par leurs pairs ;

– le service public d’enseignement supérieur doit rester administré par des conseils composés de membres de la communauté universitaire ;

– le financement du service public d’enseignement supérieur doit être à la hauteur des missions confiées ;

– les franchises universitaires doivent préserver les campus des interventions des forces de l’ordre prises sans le consentement de leur responsable ;

– la recherche doit rester inconditionnellement libre des choix de ses objets, de ses outils, et dans son expression.

La LDH appelle à participer aux mobilisations pour le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, le jeudi 27 mars 2025 et aux manifestations du jeudi 3 avril 2025.

La LDH s’exprime en soutien d’un accueil en France de réfugiés scientifiques voulant quitter leurs employeurs états-uniens. Elle souhaite que des moyens nécessaires supplémentaires permettent que la France soit le choix de nos collègues, et accompagnent cet accueil.

La LDH est intéressée par une réflexion au niveau européen qui généralise la liberté académique et la nécessaire autonomie universitaire selon les meilleures pratiques, y compris dans le contexte où l’enseignement supérieur est une compétence des Etats membres.

Pour la LDH, le précédent états-unien est un avertissement qui doit conduire à renforcer dès à présent l’indépendance de la communauté scientifique en France et particulièrement la liberté académique déjà malmenée souvent dans un non-respect de l’Etat de droit.

Paris, le 27 mars 2025

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