Qu'est-ce qu'une discrimination ?
Une discrimination se définit comme toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de critères prohibés par la loi.
Quels sont les critères fondant une discrimination ?
Sont interdits toute distinction ou tout traitement inégal fondés sur :
- l’origine
- le sexe
- la situation de famille
- la grossesse
- l’apparence physique
- la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur
- le patronyme
- le lieu de résidence (ou la domiciliation bancaire dans le cas d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise[1])
- l’état de santé
- la perte d’autonomie
- le handicap
- les caractéristiques génétiques
- les mœurs
- l’orientation sexuelle
- l’identité de genre
- l’âge
- les opinions politiques
- les activités syndicales
- la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français
- l’appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée
- le fait d’avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 du Code pénal ou témoigné de tels faits
- le fait d’avoir subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l’article 225-16-1 du Code pénal ou témoigné de tels faits
Quels sont les domaines où peut s’exercer la discrimination ?
La discrimination fondée sur les critères ci-dessus énumérés est punissable pénalement si elle s’exerce dans les domaines suivants :
- refuser la fourniture d’un bien ou d’un service
- entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque
- refuser d’embaucher, sanctionner ou à licencier une personne
- subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des critères prohibés
- subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des critères prohibés
- refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Qu’est-ce qui n’est pas une discrimination ?
Toutes distinctions opérées sur l’un des critères prohibés ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont fondées :
- sur l’état de santé ou le handicap, lorsqu’elles consistent en un refus d’embauche ou un licenciement fondé sur l’inaptitude médicalement constatée soit dans le cadre du titre IV du livre II du code du travail, soit dans le cadre des lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
- en matière d’embauche sur un motif prohibé, lorsqu’un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée
- en matière d’accès aux biens et services, sur le sexe lorsque cette discrimination est justifiée par la protection des victimes de violences à caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l’égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes, la liberté d’association ou l’organisation d’activités sportives
- sur les refus d’embauche fondés sur la nationalité lorsqu’ils résultent de l’application des dispositions statutaires relatives à la fonction publique
- sur le motif du lieu de résidence lorsque la personne chargée de la fourniture d’un bien ou service se trouve en situation de danger manifeste
[1] Ce critère de discrimination ne peut être soulevé que devant les juridictions prud’homales.
Quels sont les recours juridictionnels contre une discrimination ?
Les recours devant les juridictions pénales
L’action pénale vise à sanctionner l’auteur d’une discrimination prohibée par la loi.
Qui peut saisir le tribunal ?
- La victime
- Les associations en application de l’article 2-1 du Code la procédure pénale qui dispose que « Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne […] les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal […] »
Comment saisir le tribunal ?
Trois moyens sont à votre disposition pour enclencher des poursuites pénales :
- Le dépôt d’une plainte simple auprès des services de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République
Les commissariats ne peuvent plus se contenter de dresser une main courante. Ils ont l’obligation de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infraction à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent. Cependant en pratique, la plainte simple a peu de chances d’aboutir eu égard au principe de l’opportunité des poursuites.
- Le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance afin de provoquer l’ouverture de l’information judiciaire.
Ce mode de déclenchement des poursuites entraîne la mise en mouvement automatique de l’action publique.
- La citation directe devant le tribunal correctionnel dans le ressort duquel a eu lieu la discrimination
L’auteur de la discrimination est directement cité devant la juridiction compétente par acte d’huissier.
Comment prouver une discrimination ?
La charge de la preuve incombe à la partie poursuivante, c’est-à-dire au ministère public, et, le cas échéant, à la victime dans le cas où elle s’est constituée partie civile.
Par conséquent, en droit pénal c’est à la victime d’apporter la preuve de la discrimination et de son caractère intentionnel.
Le principe de la liberté de la preuve permet en pratique d’atténuer les difficultés posées par la charge de la preuve de la discrimination. En effet, en vertu de ce principe, le fait discriminatoire peut être prouvé par la victime par tous moyens, sous réserve que les procédés ne soient pas déloyaux.
Quel délai pour saisir le tribunal ?
La discrimination fondée sur l’un des critères prohibés commise dans le cadre de l’un des domaines supra constitue un délit.
L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.
Quelle est la condamnation pénale ?
La discrimination fondée sur l’un des critères prohibés commise dans le cadre de l’un des domaines supra est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Les recours devant la juridiction prud’homale
Qui peut saisir le tribunal ?
- La victime
- les associations en application de l’article L.1134-3 du Code du travail qui dispose que « les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent exercer en justice toutes actions résultant de l’application des dispositions du chapitre II [dudit code] », sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé ;
- les organisations syndicales en application de l’article L.1134-2 du Code du travail qui dispose que « les organisations syndicales représentatives au niveau national, au niveau départemental (…) ou dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application des dispositions du chapitre II [dudit code] (…) L’organisation syndicale n’a pas à justifier d’un mandat de l’intéressé. Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention d’agir ».
Comment saisir le tribunal ?
Il faut soit :
- adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au secrétariat du Conseil des prud’hommes,
- se rendre sur place et remplir un formulaire fourni par le greffe
- rédiger une assignation avec l’aide d’un avocat
Comment prouver une discrimination ?
En matière sociale, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, l’employeur devant alors rapporter la preuve que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Ainsi, lorsqu’il existe des indices de discrimination, il revient à la personne mise en cause de prouver qu’elle n’a pas discriminé, et non à la victime d’apporter la preuve de la discrimination.
Quel délai pour saisir le tribunal ?
À partir de la date où les faits de discrimination sont révélés, le salarié a 5 ans pour saisir le conseil des prud’hommes.
Si la discrimination a été commise dans le secteur public
Qui peut saisir le tribunal ?
- l’agent public victime de discrimination
- L’usager du service public victime de discrimination
- Les organisations syndicales de fonctionnaires : elles peuvent agir contre les actes réglementaires concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles qui porte atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires ;
- Les associations en application de l’article R.779-9 du code de la justice administrative qui dispose que « Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, par leurs statuts, de lutter contre les discriminations peuvent exercer les actions en justice qui naissent de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 en faveur de la victime d’une discrimination », sous réserve d’avoir obtenu l’accord écrit de l’intéressé.
Devant quel tribunal agir ?
La victime supposée doit agir directement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux.
Comment saisir le tribunal ?
La saisine du tribunal administratif se fait généralement par requête : il s’agit d’une lettre, rédigée sur papier libre, dans laquelle est exposée la demande.
Elle est adressée au greffe du tribunal administratif, sur place ou par courrier. Dans ce dernier cas, il est préférable de recourir à une lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.
Le ministère d’avocat n’est obligatoire devant le tribunal administratif que pour les demandes d’indemnité, à l’exception de celles relatives aux dommages causés par des travaux publics ou par une collectivité territoriale.
NB : Quel que soit le lieu où s’exerce la discrimination, notamment le lieu de travail, un dépôt de plainte est aussi possible parallèlement.
La saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination
Le Défenseur des droits est une institution indépendante de l’État. Créée en 2011 et inscrite dans la Constitution, elle s’est vu confier deux missions :
- défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés
- permettre l’égalité de tous et toutes dans l’accès aux droits.
Les actions dont dispose Le défenseur des droits sont :
- le pouvoir d’investigation
- le règlement amiable
- les recommandations
- la demande de sanction
- les observations devant le juge
- toute personne physique (un individu) ou morale (une société…) qui s’estime discriminée
- ses représentants légaux (parents, représentant d’enfants ou de majeurs protégés)
- une association déclarée depuis au moins 5 ans dont les statuts combattent la discrimination conjointement avec la victime ou avec son accord
- un parlementaire français et un élu français du Parlement européen
- une institution étrangère qui a les mêmes fonctions que le Défenseur des droits
- Par le formulaire en ligne
- Par courrier gratuit, sans affranchissement : Défenseur des droits, Libre réponse 71120 – 75342 Paris cedex 04
- Par rendez-vous avec un délégué