Des ONG expriment leurs craintes pour des dizaines de prisonniers égyptiens et des centaines d’autres qui risquent d’être exécutés en Arabie saoudite pour des délits liés à la drogue

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Nous, les organisations soussignées, craignons sérieusement pour la vie de centaines de prisonniers menacés d’exécution imminente en Arabie Saoudite pour des accusations liées à la drogue, dont 33 Egyptiens détenus dans une seule aile de la prison de Tabuk. Ces hommes vivent dans un état de terreur, car le nombre d’exécutions pour de tels délits a augmenté au cours des deux derniers mois. Huit hommes ont déjà été exécutés pour des délits liés à la drogue à Tabuk cette année, et 42 dans l’ensemble du pays, dont trois Egyptiens.

Bien que la gestion des exécutions par les autorités saoudiennes ne soit pas transparente, le suivi indépendant de certains cas a confirmé un ensemble d’abus subis par plusieurs des condamnés au cours de leur arrestation et de leur procès. Il s’agit notamment de l’absence de rôle du consulat ou de l’ambassade d’Egypte, du fait que les accusés ne se voient pas accorder le droit de se défendre de manière adéquate, de l’absence de désignation d’un avocat pour eux et de l’absence de prise en compte sérieuse de leurs représentations devant le tribunal, sans compter les tortures et les mauvais traitements qu’ils ont subis pendant leur détention.

Selon les déclarations publiées par le ministère de l’Intérieur, les personnes exécutées en 2024 pour trafic de stupéfiants étaient jusqu’à présent de nationalité saoudienne, égyptienne, syrienne et jordanienne : Saoudiens, Egyptiens, Syriens, Jordaniens, Pakistanais, Afghans, Ethiopiens, Soudanais, Yéménites et Nigérians.

Il n’existe pas de chiffres officiels concernant le nombre de personnes condamnées à mort en Arabie Saoudite, mais tout porte à croire que des centaines de personnes de diverses nationalités, condamnées dans des affaires de drogue, se trouvent dans les prisons saoudiennes. Cependant, l’absence de transparence dans le traitement officiel de ces affaires, l’absence de justice, le manque de confiance dans le système judiciaire et la crainte de représailles s’ils s’expriment publiquement, font que les condamnés ne peuvent pas exprimer ce qu’ils subissent.

Les organisations soussignées soulignent que la reprise sanguinaire des exécutions pour des délits liés à la drogue fait suite à une période d’incohérence de la ligne officielle sur cette question. L’Arabie saoudite a d’abord suspendu cette catégorie d’exécutions de janvier 2020 à novembre 2022 sans faire d’annonce officielle. En janvier 2021, le responsable de la Commission saoudienne des droits de l’Homme a déclaré que le moratoire visait à donner une nouvelle chance aux personnes condamnées pour des crimes non violents. En mars 2022, le prince héritier Mohammed bin Salman a déclaré que la peine de mort était désormais limitée au seul crime de meurtre.

Pourtant, en novembre 2022, l’Arabie saoudite a repris les exécutions pour des infractions liées à la drogue sans donner de raison ou de justification, exécutant 20 personnes pour des accusations liées à la drogue en un seul mois. Et malgré une interruption entre août 2023 et mai 2024, le royaume a de nouveau recommencé à appliquer la peine de mort dans ce type d’affaires.

Les organisations soussignées notent que les huit premiers mois de 2024 ont vu une augmentation de 72% du nombre total d’exécutions par rapport à la même période en 2023, avec un total de 167 à la fin du mois d’août de cette année.

Nous considérons que la vague d’exécutions de ces derniers mois et l’état de terreur dans lequel vivent les personnes condamnées pour trafic de drogue, dont des dizaines d’Égyptiens, reflètent non seulement le manque de fiabilité des promesses officielles, mais aussi une violation flagrante du droit international, qui interdit la peine de mort, lorsqu’elle existe, pour tous les crimes sauf les plus graves, et même dans ce cas, dans des limites strictes.

Les organisations estiment que l’Arabie saoudite doit immédiatement rétablir le moratoire promis précédemment sur les exécutions pour infraction à la législation sur les stupéfiants et s’efforcer de modifier ses lois afin de les mettre en conformité avec ses obligations au regard du droit international. Nous maintenons que la responsabilité de cette incertitude juridique et de cette torture psychologique incombe aux autorités saoudiennes, ainsi qu’aux gouvernements des Etats, y compris l’Egypte, dont les ressortissants sont exécutés.

Signataires : ACAT France, ACAT Ghana, ALQST For Human Rights, Association For Freedom of Thought and Expression, Association Justice et Misericorde (liban), Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), Center for Democracy and Human Rights in Saudi Arabia, Centre d’Actions pour le Développement, Coalition Tunisienne Contre la Peine de Mort, Egypt Wide For Human Rights, Egyptian Commission for Rights and Freedoms, Egyptian Front For Human Rights, Egyptian Human Rights Forum, Egyptian Initiative for Personal Rights, Ensemble contre la peine de mort (ECPM), European Saudi Organisation for Human Rights (ESOHR), Forum marocain pour la vérité et la justice, Harm Reduction International, Law and Democracy Support Foundation, LDH (Ligue des droits de l’Homme) France, Middle East Democracy Center, Organisation Contre la Torture en Tunisie, Refugees Platform in Egypt, Rescue alternatives Liberia, Sinai Foundation for Human Rights, The Advocates for Human Rights, The German Coalition to Abolish the Death Penalty (GCADP), The Italian Federation for Human Rights (FIDU), Tunisian Coalition to End the Death Penalty, Tunisian Organisation Against Torture in Tunisia, Union Internationale des Avocats (UIA), World Organisation Against Torture

Lire le communiqué commun en anglais.

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