Communiqué commun FIDH, Project Expedite Justice, African Centre for Justice and Peace Studies, Sudan Human Rights Monitor et LDH
Neuf victimes soudanaises, soutenues par la FIDH et Project Expedite Justice, ont déposé aujourd’hui une plainte visant la BNP Paribas pour complicité de torture, de crimes contre l’humanité, de génocide, blanchiment et recel. Cette plainte constitue la première tentative de voir reconnaître la BNPP, et plusieurs de ses dirigeants d’alors, comme pénalement responsables de complicité de crimes internationaux commis au Soudan, notamment au Darfour. La banque française fut, entre au moins 2002 et 2008, considérée comme la banque centrale de facto de l’État soudanais.
Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée aujourd’hui devant le doyen des juges d’instruction de Paris.
« Nous appelons les autorités judiciaires à ouvrir au plus vite une information judiciaire pour déterminer si la BNPP peut être considérée comme pénalement responsable pour avoir traité avec les autorités soudanaises » a déclaré Michel Tubiana, avocat et président d’honneur de la LDH.
Poursuivie aux Etats unis pour avoir traité avec le Soudan, l’Iran et le Cuba en violation de sanctions américaines, BNP Paribas a admis avoir agi en tant que banque étrangère des autorités soudanaises entre 2002 à 2008. Caractérisé comme « banque centrale de facto » de l’État soudanais par le Département de justice américaine, la BNPP a permis au régime El Béchir d’accéder aux marchés financiers américains et a traité des transactions valant des milliards de dollars pour le compte des entités soudanaises. Or, le Soudan était alors visé par plusieurs sanctions édictées par les Nations unies, les États-Unis et l’Union européenne, en raison notamment des graves crimes de guerre et contre l’humanité commis à l’encontre de civils soudanais.
Cette procédure a abouti à la condamnation de la BNPP et d’un accord dans le cadre duquel la banque à payé une amende record de 8,9 milliards de dollars en juillet 2014. Les victimes soudanaises n’ont finalement rien reçu au titre de réparations car le Congrès américain a alloué le produit de cette somme aux victimes d’attentats terroristes sur le sol américain.
« Derrières les crimes et massacres les plus graves il y a toujours de l’argent » remarque Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la FIDH. « En permettant au régime soudanais d’accéder aux marchés financiers internationaux, la BNPP lui a permis de fonctionner, payer ses fonctionnaires et militaires, réaliser des achats à l’étranger, alors même que ce régime était mis au ban de la communauté internationale pour avoir planifié puis perpétré des crimes au Darfour. »
De 2002 à 2008, le gouvernement soudanais – en particulier ses forces militaires et de sécurité ainsi que les milices Janjawids – ont commis des violations massives des droits humains contre les civils, qui ont fait plus de 300 000 morts. Les populations marginalisées au Darfour et ailleurs au Soudan ont été la cible d’assassinats, de déplacements forcés, de crimes sexuels, de détentions arbitraires, de torture et autres formes de traitements inhumains abondamment documentés. Ces crimes demeurent largement impunis ; les mandats d’arrêts émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de l’ancien Président Omar El Béchir et d’autres responsables de haut rang de son régime n’ayant jamais été mis à exécution.
« Nous espérons au moyen de cette plainte faire entendre les victimes soudanaises qui ont jusqu’à ce jour été privés de possibilité d’obtenir justice, que ce soit au Soudan, devant la CPI ou encore aux États-Unis » a déclaré Mossaad M. Ali (Directeur exécutif, ACJPS). « Cette démarche vient complémenter les efforts héroïques des activistes et citoyens sur le terrain au Soudan afin de lutter contre l’impunité et obtenir justice » a rajouté Magdi El Na’im (Sécrétaire-Général, SHRM).
Les avocats de la FIDH, en partenariat avec l’organisation Project Expedite Justice, ont recueilli les témoignages de neuf victimes de torture, de crimes contre l’humanité et de génocide commis au Soudan. Celles-ci ont souhaité porter plainte en France, afin qu’une enquête soit ouverte, portant cette fois sur la responsabilité pénale de la BNPP et de ses dirigeants.
Une information judiciaire est déjà ouverte en France concernant le rôle de la BNPP au Rwanda pendant le génocide des Tutsis en 1994.
Paris, le 26 septembre 2019
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme ; Project Expedite Justice ; African Centre for Justice and Peace Studies ; Sudan Human Rights Monitor ; Ligue des droits de l’Homme (LDH)