Communiqué commun dont la LDH est signataire
Le Conseil a finalement approuvé ce 1er décembre 2022 une position commune sur la proposition de Directive sur le devoir de vigilance des multinationales. Le texte en sort considérablement appauvri en raison notamment des pressions de la France, et ce en dépit des déclarations publiques du gouvernement cette semaine.
Les ministres des Etats membres se réunissaient ce matin pour voter sur la proposition de Directive européenne sur le devoir de vigilance des multinationales, qui vise à obliger les entreprises à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement, et à engager leur responsabilité civile en cas de dommage.
Depuis des semaines, la France œuvrait en coulisse pour affaiblir le texte : elle menaçait de former une minorité de blocage pour exclure du champ des obligations toute une partie (dite “aval”) de la chaîne de valeur des entreprises. Ayant largement obtenu gain de cause dans les négociations vendredi dernier, elle s’est attaquée cette semaine aux quelques obligations qui subsistaient pour le secteur financier.
Résultat : bien que le Conseil ait approuvé le texte ce matin, la proposition initiale de la commission – pourtant loin d’être ambitieuse – a été érodée de toute part par les négociations entre Etats membres.
Les failles dans le texte approuvé ce matin sont béantes :
- Le champ du devoir de vigilance n’inclut ni l’usage qui est fait des produits commercialisés par les entreprises, ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d’armes ou de matériels de surveillance.
- Sous la pression de la France, les obligations pour les banques sont extrêmement limitées, et dans tous les cas seulement facultatives pour les Etats membres.
- Les entreprises sont libres de remettre à plus tard la prévention ou la cessation de certaines atteintes au simple motif qu’elles ont priorisé des violations plus graves, et elles ne sont pas tenues de mettre fin à leur relation avec un fournisseur qui viole de façon avérée les droits humains si cela s’avère trop préjudiciable pour leur activité.
- La définition des atteintes à l’environnement, déjà lacunaire, est encore réduite, avec la suppression de termes clés tels que la notion “d’intégrité écologique”1. La responsabilité des entreprises en la matière est quant à elle réduite à néant, seuls les dommages aux personnes étant concernés.
- Les quelques éléments s’attaquant aux obligations et à la rémunération des administrateurs, qui étaient déjà insuffisants dans la proposition de la Commission, ont tout simplement été supprimés.
La contradiction avec les déclarations récentes du gouvernement est patente : Elisabeth Borne a rappelé le rôle pionnier de la France en la matière en réponse à une question au gouvernement ce mardi ; et le gouvernement a publié hier soir un communiqué de presse “démentant les informations faisant état d’une demande d’exemption des banques”.
Nos organisations appellent le gouvernement à mettre fin à ce double discours, et aligner ses actes sur ses déclarations publiques dans les négociations à venir. Prochaine étape : les débats au Parlement européen, à la suite desquels les trois institutions européennes négocieront un accord.
Signataires : ActionAid France, Amis de la Terre France, CCFD-Terre Solidaire, collectif Ethique sur l’étiquette, FIDH, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Notre Affaire à Tous, Oxfam France et Sherpa, membres du Forum citoyen pour la RSE.
Paris, le 1er décembre 2022