Communiqué commun dont la LDH est signataire
Le 3 juin 2020, face à une diminution exceptionnelle du nombre de détenus, quelque mille personnalités publiques et professionnels de la justice appelaient Emmanuel Macron à se saisir de cette occasion historique pour mettre fin au surpeuplement des prisons. Aujourd’hui, le constat est amer : le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter depuis juillet 2020. Face à la surdité de l’exécutif, des associations et organisations professionnelles du milieu prison-justice invitent les citoyens à interpeler de nouveau, un an après, le président de la République pour l’exhorter à agir.
Au printemps 2020, la conjugaison des mesures de libération et d’une baisse des entrées en détention dans les premiers temps de la crise sanitaire avait marqué une rupture avec l’inflation carcérale et la surpopulation systématique qui en résultait : il y avait alors en France moins de personnes détenues que de places de prison.
Saisissant cette occasion exceptionnelle, près de mille personnes faisaient part, dans une lettre ouverte au président, de leur « fol espoir » que cette décroissance de la population carcérale s’inscrive sur du long terme : cette situation inédite confirmait qu’un moindre emprisonnement était possible et n’était ni déraisonnable ni dangereux, mais au contraire unanimement salué. Se dessinaient ainsi les premiers contours d’une prise en compte de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 janvier 2020 pour ses conditions de détention indignes, et de son injonction à prendre les mesures structurelles pour résorber définitivement la surpopulation carcérale.
La lettre ouverte sonnait l’alerte en soulignant l’impérieuse nécessité « de tout mettre en œuvre pour que la population carcérale ne reparte à la hausse dès la menace immédiate écartée ». Mais l’exécutif est resté sourd à cet appel : depuis juillet 2020, elle flambe de manière continue, avec 6 689 personnes détenues supplémentaires au 1er mai 2021.
Le garde des Sceaux, pourtant alors signataire de la lettre ouverte, n’a pas pris les mesures structurelles que l’urgence aurait dû rendre centrales, et porte même des mesures qui risquent d’accroître encore la population carcérale. Pire, le gouvernement a renoncé à inverser cette tendance, escomptant 80 000 personnes détenues à l’horizon 2027[1], soit 15 000 supplémentaires en six ans, sans lien avec une éventuelle évolution de la démographie ou de la délinquance. La France s’inscrit ainsi à rebours de la tendance européenne qui se caractérise par une baisse substantielle de la population carcérale ces dix dernières années[2]. Présentée comme une solution à la surpopulation carcérale, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, qui ne semble vouée qu’à absorber l’augmentation du nombre de personnes détenues, s’avère être une réponse coûteuse et inefficace.
Emmanuel Macron l’affirmait lui-même en 2018 : « L’emprisonnement ne cesse d’augmenter, parce qu’au fond cela reste la solution qui contente symboliquement le plus de monde, ce qui évite de s’interroger sur le sens que cela recouvre »[3]. 17 associations et organisations professionnelles, militantes ou syndicales du milieu prison-justice lancent aujourd’hui une mobilisation citoyenne pour exhorter Emmanuel Macron à passer des paroles aux actes. Il est encore temps d’inverser la tendance et de mettre en place une politique volontariste de déflation carcérale. Le surpeuplement des prisons n’est pas une fatalité.
Signataires : A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus) ; Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ; ANAEC (Association nationale des assesseurs extérieurs en commission de discipline des établissements pénitentiaires) ; ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines) ; ARAPEJ 41 (Association réflexion action prison et justice-Loir-et-Cher) ; ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire) ; Auxilia ; Ban Public ; CASP ARAPEJ (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice) ; CGT Insertion-Probation ; La Cimade ; Courrier de Bovet ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; OIP-SF (Observatoire international des prisons-section française) ; SAF (Syndicat des avocats de France) ; Secours catholique/Caritas France ; SM (Syndicat de la magistrature).
Paris, le 3 juin 2021
Télécharger le communiqué en format PDF