Communiqué commun dont la LDH signataire
Prolongée exceptionnellement cette année en raison de l’état d’urgence sanitaire, la trêve hivernale a pris fin le 1er juin dernier. Si cette prolongation n’a pas empêché de nombreuses expulsions[1], sa fin sonne la reprise des expulsions de lieux de vie informels à un rythme accéléré. Nous avons ainsi observé à Toulouse, Bagnolet, Villejuif, Champigny-sur-Marne, Bobigny, Champlan de nombreuses expulsions ayant eu lieu sur des bidonvilles et squats. Des pressions et intimidations policières ont également été recensées, conduisant les habitant-e-s à quitter les lieux avant l’expulsion. Ces pratiques inacceptables bafouent les droits fondamentaux et ne permettent pas aux personnes les plus vulnérables repérées d’être orientées vers des solutions d’hébergement ou de logement permettant de construire un projet de vie pérenne.
Alors même que les habitant-e-s des bidonvilles et squats vivent dans des conditions d’extrême précarité qui détériorent leur état de santé[2], les expulsions viennent aussi briser la continuité des soins et rendent difficile la prévention et la lutte contre les épidémies. Dans le cadre d’une campagne vaccinale où les personnes sans domicile sont prioritaires, la reprise des expulsions est contre-productive et ne permet pas un accompagnement serein vers la vaccination contre le Covid-19 ou le suivi des personnes entre deux injections. Comme le souligne la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé, la campagne de vaccination ne sera efficace qu’en s’ancrant dans les milieux de vie des personnes, ce que rendent impossible les expulsions à répétition.
Nous nous inquiétons enfin des conséquences des dernières annonces gouvernementales en matière d’hébergement sur les personnes vivant en habitat informel et sans-abri. Si la prolongation jusqu’en mars 2022 des 43 000 places d’hébergement temporaires ouvertes depuis le premier confinement est un immense soulagement, la fin réelle de la “gestion au thermomètre” implique une adaptation aux besoins quelle que soit la saison et n’est donc pas compatible avec le gel puis la diminution du parc prévus par le gouvernement pour 2022-2024[3]. Dans un contexte où le parc d’hébergement est déjà saturé, où les expulsions d’habitats informels se multiplient et où les personnes à la rue, en squat ou en bidonville accèdent très peu au logement, la rue est-elle la seule perspective réaliste que l’Etat soit en mesure de leur proposer ?
Nous demandons l’instauration d’une trêve des expulsions des lieux de vie informels jusqu’au 31 octobre 2021, ainsi qu’un engagement de l’Etat à donner des consignes aux préfets pour que ces derniers n’accordent pas le concours de la force publique. Dans les cas où l’expulsion est inévitable, notamment pour des motifs de sécurité (risque d’effondrement), nous demandons à ce que des solutions concertées et pérennes soient proposées à tou-te-s les habitant-e-s, et ce quel que soit leur statut administratif ou leur vulnérabilité.
[1] L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels a recensé 756 expulsions de lieux de vie informels du 1er novembre 2020 au 1er juin 2021
[2] https://www.medecinsdumonde.org/fr/pays/france/personnes-vivant-dans-les-bidonvilles
[3] L’annexe 1 de l’instruction du 26 mai 2021 “relative au pilotage du parc d’hébergement et au lancement d’une campagne de programmation pluriannuelle de l’offre pour la mise en œuvre du Logement d’abord” prévoit une diminution nette de 10 000 places en 2022, puis une décrue progressive du parc sur plusieurs années »
Signataires : ATD Quart Monde, CNDH Romeurope, Ligue des droits de l’Homme, Secours catholique
Paris, le 17 juin 2021