Garantir un espace civique dynamique au sein de l’Union européenne, les attentes de la société civile pour les cinq prochaines années

Lettre ouverte commune de 415 organisations de la société civile, dont la LDH est signataire, adressée à Donald Tusk, pour la prochaine présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, Mette Frederiksen, pour la prochaine présidence danoise du Conseil de l’Union européenne, Nikos Christodoulides, pour la prochaine présidence chypriote du Conseil de l’Union européenne européenne, Roberta Metsola, présidente du Parlement européen et Ursula Von der Leyen, présidente élue de la Commission européenne.

Mesdames et Messieurs les Présidents et Premiers ministres,

Dans la perspective du prochain mandat de cinq années, ensemble avec 415 organisations de la société civile de 26 Etats membres et de 4 pays candidats profondément mobilisées dans la promotion de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’engagement civique partout en l’Europe, nous vous demandons de donner une priorité aux actions qui favoriseront un espace civique dynamique, soutiendront la démocratie et sauvegarderont les droits fondamentaux.

La société civile joue un rôle essentiel pour faire avancer l’effectivité des droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Elle fait entendre les voix marginalisées, promeut la participation dans les affaires publiques et demande aux autorités de rendre des comptes de leurs actions.

Malgré ces contributions inestimables de la société civile, nous assistons à un recul des libertés civiques, du respect de l’Etat de droit, de la démocratie dans l’Union européenne, ce qui est mis en évidence par les constatations venant du terrain, les apport de la recherche et les constatations du rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit. Les défis auxquels la société civile est confrontée, avec notamment les lois restrictives, les contraintes mises au financement, le harcèlement juridique et les agressions physiques, sont une menace au fondement même de la démocratie.

Si au cours des cinq dernières années l’Union européenne a pris des mesures essentielles pour remédier au « recul » de la démocratie et pour la promotion de l’espace civique, des lacunes et des défis majeurs doivent être relevés. Au cours de la prochaine législature, l’UE doit s’appuyer sur le positif de l’héritage des cinq dernières années, en particulier sur le rapport 2022 de la Commission européenne quant à l’application de la Charte européenne des droits fondamentaux avec les consultations qui ont suivies et sur les conclusions du Conseil européen de 2023 portant sur l’espace civique, ceci afin de mettre en place un cadre plus cohérent et stratégique de coopération et de soutien, comme demandé dans le manifeste de la société civile européenne signé par plus de 240 organisations de la société civile en en Europe.

En outre, toutes les lois et politiques européennes devraient faciliter les actions de la société civile sans effets induits négatifs. Cela implique que soient systématiquement menées en amont des études d’impacts en matière de droits fondamentaux, prenant en compte l’information apportée par la diversité des secteurs de la société civile, cela afin de garantir des politiques effectivement en soutien à l’action pour les droits fondamentaux

Pour les cinq prochaines années, nous vous appelons à répondre aux priorités suivantes :

  • Une stratégie européenne pour la société civile, intégrée à un plus large Agenda de la démocratie européenne. Cette stratégie devrait reconnaître le rôle indispensable de la société civile dans toute sa diversité, pour favoriser l’engagement démocratique et pour la sauvegarde les droits humains. La stratégie devrait fournir un cadre politique solide et cohérent qui permette, soutienne et protège la société civile.
  • Un mandat fort pour un vice-président de la Commission en charge de la démocratie, de l’espace civique et du dialogue avec la société civile. Ce rôle devrait bénéficier de moyens appropriés pour initier, diriger et superviser la mise en œuvre de la stratégie, et assurer la cohérence entre les approches internes et externes de la société civile. Le mandat devrait également inclure un soutien proactif aux acteurs civiques sous pression et un suivi sans délai des plaintes concernant les attaques touchant la société civile. Cela inclurait le soutien au développement d’initiatives visant à protéger la société civile et les défenseurs des droits humains, y compris ceux agissant en exil, contre le harcèlement, l’intimidation et les attaques, comme la mise en place de mécanismes d’alerte précoce et de mécanismes de protection offrant une aide d’urgence rapide.
  • Renforcer les corps intermédiaires et adopter un Accord de dialogue civil. Les corps intermédiaires ont un rôle crucial à jouer pour organiser et portager les besoins et aspirations des populations. Le dialogue civil devrait être compris comme une interaction permanente, structurée et faisant sens entre les institutions et la société civile organisée, conduisant à la co-création de politiques justes, inclusives et durables. Un accord pour le dialogue civil avec les institutions de l’UE devrait clairement définir le champ d’application, les lieux, les outils et les résultats à en attendre.
  • Renforcer les politiques de financement. Les programmes de financement de la société civile devraient être élaborés dans le cadre de processus inclusifs de co-création qui pourraient assurer qu’ils répondent aux besoins des organisations de la société civile et des communautés qu’elles servent, et en minimisant les charges administratives associées. Le futur Cadre financier pluriannuel (CFP) devrait correspondre à la nécessité de soutenir davantage la société civile dans ses différents domaines d’action par le biais de subventions de fonctionnement et de subventions à projets, notamment en augmentant le budget du programme « Citoyens, égalité, droits et valeurs (CERV).
  • Un Semestre européen de la démocratie. En se fondant sur le cycle de suivi de l’Etat de droit mené par la Commission européenne, l’UE devrait mettre en place un Semestre européen de la démocratie , ouvert aux pays candidats à l’adhésion, qui examinerait l’interaction entre les politiques économiques et sociales et la démocratie. Un tel examen annuel devrait inclure un chapitre autonome sur l’espace civique et devrait être davantage axé sur la démocratie, sur l’espace civique et devrait être lié de manière plus claire et plus transparente tant aux mécanismes d’application que de réforme.
  • Un rôle plus important pour l’Agence des droits fondamentaux (FRA) en tant qu’institution européenne des droits de l’Homme. Il s’agit notamment de permettre à la FRA d’émettre ses propres avis sur les politiques de l’UE et d’impliquer systématiquement l’agence dans l’évaluation d’impact.

Pour que le soutien à la société civile soit efficace, les institutions de l’UE doivent adopter une approche cohérente de la démocratie, à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE, ainsi que renforcer la légitimité démocratique des politiques européennes qui doivent poursuivre l’objectif de sociétés inclusives pour tous.

Ces recommandations, qui s’appuient sur le travail des acteurs de la société civile aux niveaux national et européen, doivent guider l’action de l’Union européenne au cours des cinq prochaines années.

Nous sommes prêts à collaborer avec toutes les institutions de l’UE et les forces politiques qui s’engagent à faire avancer ces propositions. Ensemble, nous pouvons construire une Europe où la société civile prospère, où la démocratie s’épanouit et où les droits fondamentaux sont protégés.

Ce document a été préparé dans le cadre du Forum de la société civile organisé à Varsovie le 26 juin 2024. Il décrit les actions impératives que les institutions de l’UE doivent entreprendre au cours des cinq années de la prochaine législature pour garantir un espace civique dynamique. Il s’appuie sur le travail réalisé au fil des ans par la société civile aux niveaux national et européen.9

Nous invitons les autres organisations de la société civile à continuer à utiliser et à développer ces propositions. Nous nous engageons à travailler avec les institutions et les forces politiques désireuses de faire de cet agenda une réalité.

Avec l’expression de nos salutations distinguées,

Gabriella Civico, présidente de Civil Society Europe, avec les 415 organisations de la société civile signataires dont la LDH

Lettre en anglais avec la liste des signataires

Bruxelles, le 16 septembre 2024

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