Communiqué commun
L’annonce de la tenue du référendum constitutionnel et des élections législatives le 1er mars 2020 a exacerbé les tensions au sein de la société guinéenne. Les violences à l’encontre des leaders de la société civile et des partis politiques, réunis au sein du Front national de défense de la constitution (FNDC), redoublent. Nous appelons les partenaires internationaux à plus de fermeté pour que la Guinée respecte les droits humains et reconnaisse que les élections ne peuvent se tenir dans le contexte actuel.
Depuis mi-octobre 2019 et le début de la mobilisation contre le « coup d’Etat constitutionnel » qui permettrait au Président Alpha Condé de briguer un 3e mandat, le recours abusif à la force létale par les forces de sécurité est quasi-systématique. Selon plusieurs organisations de la société civile en Guinée, dont les membres de la coalition Tournons la Page-Guinée, plus de 40 civils ont été tués – souvent en marge des manifestations et par armes à feu – 62 personnes blessées et environ 90 personnes arrêtées. A cela s’ajoutent les nombreuses menaces et intimidations dont les leaders de la société civile et des partis politiques font l’objet. La déclaration du Président guinéen qui, lors d’un meeting à Faranah le 20 février 2020, a appelé ses partisans à frapper quiconque saccagerait les urnes le jour du vote témoigne du climat de tensions.
Alors qu’une escalade des violences est à craindre à l’approche du 1er mars, les invitations de la communauté internationale – principalement le représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et les Etats-Unis – à dialoguer et à organiser des élections sans violence et respectueuses des droits humains sont restées, jusqu’à présent, lettre morte. Le 24 février 2020, en raison de la persistance des insuffisances constatées sur le fichier électoral, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a indiqué « qu’il [lui] sera difficile de continuer de soutenir le processus électoral en Guinée ». Le fait que l’OIF se retire suggère que la communauté internationale commence à se désolidariser des scrutins à venir.
Pour éviter un embrasement en Guinée qui pourrait avoir des conséquences dans toute la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, les partenaires internationaux de ce pays, en premier lieu l’Union européenne (UE) et la France, doivent prendre acte de la décision de l’OIF, et affirmer que les élections législatives et le référendum constitutionnel ne peuvent pas se tenir dans les conditions actuelles.
A la suite de la Résolution d’urgence adoptée le 13 février dernier par le Parlement européen, l’UE et ses Etats membres doivent activer les leviers diplomatiques dont ils disposent (notamment l’article 96 de l’accord de Cotonou) pour que la Guinée respecte les droits constitutionnels à manifester et à s’exprimer librement ainsi que ses engagements en matière de droits humains, notamment le non usage excessif de la force, la lutte contre la torture, et les droits des personnes détenues.
L’instrumentalisation des divisions ethniques à des fins électorales doit être condamnée publiquement et leurs auteurs doivent être avertis qu’ils seront comptables devant la justice en cas de graves violations des droits humains.
Signataires :
Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) ; Aide et Action ; CCFD-Terre Solidaire ; CFDT ; Plateforme Dette et développement (et ses organisations membres) ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Tournons la page (et ses organisations membres).
Paris, le 27 février 2020