Lettre ouverte commune adressée à Anne Hidalgo, mairie de Paris, et signée par la LDH
Objet : Demande de communiqué concernant les violations et le ciblage de la communauté et des militant-e-s LGBTQI+ en Égypte ainsi qu’une requête pour renommer une place de Paris en l’honneur de Sarah Hegazy
Madame la Maire,
Je me permets de vous écrire au nom d’ANKH et de 23 organisations et groupes de défense pour les droits des personnes LGBTQI+ et les droits humains basés en France comme à l’international. Nous souhaitons attirer votre attention sur l’horrible situation de la communauté LGBTQI+ en Egypte, 20 ans après la tristement célèbre affaire connue sous le nom de “Queen Boat / Cairo 52”, lors de laquelle 52 homosexuels ont été arrêtés, torturés et harcelés par les autorités égyptiennes, les médias et le public.
En mémoire de l’affaire du Queen Boat / Cairo 52, la communauté LGBTQI+ égyptienne, ses allié-e-s et les militant-es des droits humains font du 11 mai de chaque année la Journée égyptienne contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie.
Au petit matin du 11 mai 2001, la police égyptienne fait une descente sur le bateau-bar “le Queen Boat” et arrête un groupe de 52 hommes homosexuels qui s’étaient réunis pour se divertir. Les médias pro-régime ont ensuite publié les noms et prénoms des détenus ainsi que les coordonnées de leurs familles et de leurs lieux de travail dans le cadre d’une campagne de dénigrement féroce contre l’homosexualité.
Cette année, nous commémorons les vingt ans de l’affaire du Queen Boat / Cairo 52 en lançant une campagne pour demander aux autorités égyptiennes de cesser de cibler et d’arrêter les personnes et les militant-e-s LGBTQI+.
Selon le rapport qui sera publié le 11 mai intitulé “Vingt ans après l’affaire du Queen Boat / Cairo 52” élaboré par ANKH et l’AQEO, au cours des six dernières années, de 2013 à 2020, plus de 532 arrestations ont été effectuées parmi la communauté LGBTQI+ égyptienne. Il y a eu une augmentation notable des arrestations de la police égyptienne contre les personnes LGBTQI+ sur la période, notamment depuis l ‘arrivée au pouvoir de l’actuel président Abdel Fattah Al- Sisi.
L’année dernière, la mort de la militante lesbienne égyptienne Sarah Hegazy a provoqué une vaste campagne de haine en ligne contre la communauté LGBTQI+ en Égypte. Un rapport intitulé “Hate Speech Spreads like Wildfire” (Les discours de haine se répandent comme un feu de brousse), publié par plusieurs organisations et collectifs partenaires, indique que 77% d’un échantillon contrôlé de personnes LGBTQI+ de la région ont été exposées à des discours de haine, des menaces de mort et des cyberintimidations en ligne, ce qui a entraîné des problèmes de santé mentale prolongés, des pensées suicidaires et des tentatives d’automutilation.
Sarah Hegazi, née en 1989 en Égypte, était une militante lesbienne égyptienne. Elle a été arrêtée et torturée en prison durant trois mois, après avoir brandi un drapeau arc-en-ciel pendant un concert de Mashrou Leila en 2017 au Caire. Après s’être exilée au Canada en 2018, elle souffrait toujours de stress post-traumatique à la suite des tortures subies en prison. Elle se donne la mort en Juin 2020 et devient ainsi le symbole de l’activisme des LGBTQI+ (principalement des femmes lesbiennes) dans les pays où l’homosexualité est toujours réprimée. Cela donna beaucoup de visibilité à cette lutte et une vague d’émotion et de solidarité internationale s’est créée.
En août 2020, l’affaire du viol collectif du Fairmont a déclenché une nouvelle vague de discours de haine en ligne contre la communauté LGBTQI+ en Égypte, suite à l’arrestation de 4 témoins accusés de “débauche” et d' »homosexualité » et soumis par la police égyptienne à des violences physiques et par les médias pro-gouvernementaux à une campagne de diffamation contre leur sexualité.
Plus généralement, les défenseur-euses égyptien-nes des droits humains et les militant-es LGBTQI+ n’ont cessé de signaler des cas de discrimination et de diffusion/publication de fausses informations par les autorités égyptiennes ainsi que par les médias, dans le but de mettre en lumière les attaques dont il.les ont été victimes, et de s’attaquer aux récits et aux idées fausses promulgués par les autorités sur les orientations sexuelles et les identités de genre des personnes homosexuelles, bisexuelles ou transgenres.
Le gouvernement égyptien a également pris pour cible des défenseur.euses des droits humains et LGBTQI+. Par exemple, en 2017, Sarah Hegazy et Ahmed Alaa ont été arrêté-es pour avoir brandi le drapeau arc-en-ciel lors d’un concert au Caire en septembre. En 2019, Malak Al-Kashef, Eman Al Helw et Hossam Ahmed ont été arrêté-es après l’accident de train de la gare Ramses le 27 février, qui a causé la mort d’au moins 25 personnes. Malak Al-Kashif avait appelé à des manifestations en solidarité avec les victimes et leurs familles. En conséquence, elle a été arrêtée en mars 2019 et libérée le 15 juillet 2019, alors qu’Eman Al-Helw et Hossam Ahmed n’ont été libéré-e-s qu’en les septembre 2020.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous demandons respectueusement de publier un communiqué pour marquer votre solidarité avec la journée égyptienne contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie et en solidarité avec les communautés et les défenseur-euses LGBTQI+ en Egypte et pour appeler les autorités égyptiennes à assurer la protection des communautés LGBTQI+ et à mettre immédiatement fin aux arrestations et au ciblage des personnes et des défenseur-euses LGBTQI+. Par cette même occasion, nous souhaiterions vous proposer de renommer une place dans Paris du nom de l’activiste égyptienne Sarah Hegazy.
Nous vous remercions pour votre soutien continu. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez obtenir des informations supplémentaires sur les questions que nous avons soulevées.
Cordialement,
Organisations signataires : ANKH (Arab Network for Knowledge about Human rights) ;Solidarité Internationale LGBTQI (SIL) ; Initiative franco-égyptienne pour les droits et les libertés (IFEDL) ; International IDAHO Committee ; Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives ; Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort) ; Agir ensemble pour les droits humains ; Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour) ; Collectif Intersexes et Allié.e.s – OII France ; Stop homophobie – France
Avec la solidarité de : Mawjoudin pour l’égalité –Tunisie ; Savie asbl – Democratique Republique du congo ; ELILLE COLLECTIVE – Maroc ; ICODEH- Haïti ; COLIBRI CAMEROUN – Cameroun ; Solidarité-Nouakchott-Solidaté – Nouakchott ; Arousogha – Niger ; Union Des Personnes Luttent Contre La Discrimination Et la Stigmatisation –Haïti ; Human Health Burkina – Burkina Faso ; Comité pour le Respect ds Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) –Tunisie ; Solidarité dans la lutte pour Vaincre la Vulnérabilité el sida au rwanda – Rwanda ; Rwanda Network of religious leaders living with or pe personally affected by hiv & aids – Rwanda ; Coalition Anti SIDA (CAS) – Mali ; La releve – Côte d’Ivoire
A Paris, le 30 avril 2021
Copie adressée à Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la mairie de Paris.