La Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a confirmé aujourd’hui la mise en examen pour crimes contre l’humanité de Norbert Dabira, ancien inspecteur général des armés congolais.
Une demande d’annulation avait été introduite par ses avocats à la suite de sa mise en examen en août 2013. Elle a aujourd’hui été rejetée. La défense invoquait le fait que M. Dabira, avait été acquitté à Brazzaville en août 2005 des faits qui lui sont reprochés en France et qu’il ne pouvait par conséquent être jugé une deuxième fois pour la même affaire. Une requête similaire avait déjà été adressée par la défense de Norbert Dabira à deux reprises, en 2007 devant la Cour de cassation et en 2010 devant la juge d’instruction de Meaux, et avait été rejetée dans les deux cas.
« Les manœuvres dilatoires de la défense dans cette affaire ont une fois de plus été écartées » ont déclaré nos organisations. « La procédure doit se poursuivre en France et mener à un procès, c’est le seul espoir de justice pour les victimes et les proches des disparus, qui ne sont jamais parvenus à obtenir justice dans leur pays ».
L’affaire des disparus du Beach de Brazzaville est ouverte depuis 2001 devant la justice française, date à laquelle la FIDH, la LDH et l’OCDH avaient déposé une plainte visant à établir les responsabilités pénales individuelles dans la disparition de plus de 350 personnes durant les premières semaines de mai 1999 au port fluvial du Beach de Brazzaville. Cette plainte avait conduit à l’ouverture d’une information judiciaire en France, en février 2002, en application du principe de compétence universelle des juridictions nationales, pour crimes contre l’humanité, disparitions forcées et torture. Près de 80 victimes rescapées ou membres de famille de victimes participent en tant que parties civiles à la procédure.
En 2005, les autorités congolaises avaient organisé un procès au cours duquel l’État avait bien été reconnu responsable des crimes perpétrés à Brazzaville en mai 1999 mais qui avait surtout été l’occasion d’acquitter tous les présumés responsables visés dans la procédure française. Ce procès visait manifestement à invoquer en France le principe de droit selon lequel on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits (non bis in dem).
En 2012, l’instruction avait été rapatriée au sein du pôle spécialisé dans les crimes contre l’humanité, crimes de génocide, crimes de guerre et torture nouvellement créé au sein du Tribunal de grande instance de Paris.
« Après 13 ans de procédures et de multiples rebondissements, cette affaire sensible pour le pouvoir au Congo-Brazzaville nécessite un action résolue des autorités françaises afin d’identifier et faire entendre les personnes suspectées dans se dossier qui continuent de se rendre sur le territoire français sans être inquiétées » ont rappelé nos organisations.
Rappel des faits
Entre le 5 et le 14 mai 1999, des Congolais (du Congo-Brazzaville) réfugiés du fait de la guerre civile dans la région du Pool ou en République démocratique du Congo (RDC), sont revenus vers Brazzaville par le port fluvial, suite à la signature d’un accord tripartite entre la RDC, la République du Congo et le Haut Commissariat aux réfugiés, définissant un couloir humanitaire censé garantir leur sécurité. A leur arrivée à Brazzaville, des centaines de personnes ont été arrêtées par des agents publics pour interrogatoire et ont disparu, sans que l’on sache, encore aujourd’hui, ce qui leur est arrivé.
Pour plus de détails sur ces événements et sur les procédures judiciaires passées et en cours, voir le récapitulatif de l’affaire élaboré par la FIDH.
Paris, Brazzaville, le 9 octobre 2014.