A la suite des attaques dont elle été l’objet de la part de la Licra suite à une lettre à la première ministre dans laquelle la CNCDH s’inquiétait des violences policières et de la mise en cause de la liberté associative, le président de la CNCDH, Jean-Marie Burguburu, répond publiquement à la Licra.
Monsieur le Président,
« L’outil unique et précieux que constitue la CNCDH ne doit pas être dévoyé par certaines entreprises de déstabilisation ». Cette idée m’est également chère. Je serais tenté d’ajouter : d’où que viennent ces entreprises.
Dans votre courrier du 11 avril, vous qualifiez de « dérives » les préoccupations que j’exprime dans ma lettre à la Première ministre sur les violences policières illégitimes ainsi que sur les propos du ministre de l’Intérieur, qui font peser une lourde menace sur la liberté associative et, par voie de conséquence, sur la liberté d’expression.
Vous pouvez évidemment ne partager ni l’esprit ni les termes de nos analyses, mais elles reflètent très exactement les avis antérieurs que la CNCDH a adoptés sur le sujet. Il est donc pour le moins malvenu d’écrire que ma démarche viserait à « avaliser les défaillances d’une association ».
J’aurais préféré ne pas avoir à le faire auprès d’une association membre, mais je vous précise que la CNCDH n’est le « porte-voix » que d’elle-même. A cet égard, je tiens à vous assurer que la CNCDH, son bureau et ses membres sont suffisamment responsables pour gérer sereinement leurs diversités, leurs débats et leurs expressions. En toute transparence et indépendance.
Au regard de cette réalité, votre lettre paraît empreinte d’une grande violence, celle-là même dont vous regrettez qu’elle « s’exprime au sein de la société civile et […] menace le cadre et les règles de la vie démocratique ». Comment, par exemple, comprendre, entre autres « outrances », que les combats menés par la Commission seraient « dévoyés au profit d’un agenda partisan » et quelques lignes plus loin, que la CNCDH « ne doit pas être dévoyée par certaines entreprises de déstabilisation » ? J’ignore à vrai dire à quoi vous faites exactement référence, car vous n’en dites rien, mais l’insinuation n’en est que plus désobligeante pour l’ensemble des membres de la CNCDH, pour l’institution elle-même et pour son président.
Convaincu que seule une différence de degré sépare la violence des mots de celle des actes, je crains hélas, que votre lettre ne contribue, non sans paradoxe, à nourrir « la rhétorique radicale qui enflamme aujourd’hui notre pays ». Il est tout à fait regrettable que la tonalité de votre lettre rejoigne des attaques porteuses de discrédit pour l’institution et pour le mouvement associatif, affaiblissant d’autant les droits eux-mêmes. Seule voix dissonante dans un front parfaitement uni des défenseurs institutionnels et associatifs des droits humains, votre courrier sera venu à point pour aider les contempteurs des droits de l’Homme, précisément au moment où la cohésion doit l’emporter.
La protection des droits de l’Homme, au cœur des missions de la CNCDH et de chacun de ses membres, a besoin d’un engagement déterminé et solidaire. Votre lettre n’y contribue pas et je le déplore. Quant à moi, je continue le combat pour l’effectivité des droits de l’Homme.
Compte tenu de l’importance de notre échange et du fait que vous avez cru utile de rendre publique votre lettre – avant de me l’adresser – vous comprendrez que je rende publique ma réponse.
Veuillez croire, Monsieur le président, à l’assurance de ma meilleure considération.
Jean-Marie Burguburu
Paris, le 18 avril 2023