Lettre ouverte commune de 23 organisations dont la LDH adressée à Olivier Becht, ministre du Commerce extérieur, à propos de la reprise des négociations officielles sur l’accord UE-Mercosur.
Monsieur le ministre, Olivier Becht,
Nous avons appris par voie de presse que des négociations officielles avaient repris entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) avec l’objectif de finaliser cet accord de libéralisation du commerce si controversé. Les négociateurs des deux parties se sont vus à Brasilia les 3 et 4 octobre derniers, puis à nouveau le 30 octobre, et ces négociations se tiendraient désormais sur une base hebdomadaire.
Nous sommes extrêmement préoccupés de voir ces négociations se dérouler dans la plus grande opacité, derrières portes closes, sans que ni les parlementaires, ni l’opinion publique, ni les organisations de la société civile ne soient dûment informés de leur contenu. Cela est d’autant plus préoccupant que cet accord soulève des objections sévères en matière de climat, de droits humains et des populations indigènes, de déforestation, de biodiversité, d’emplois et de justice sociale.
Monsieur le Ministre,
• Qu’avez-vous prévu pour garantir la transparence indispensable sur ces négociations ?
• Allez-vous tenir informés les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat du déroulé des négociations, des points précis objet des discussions en cours, et de la façon dont les positions antérieures de la France sont oui ou non respectées ? Les organisations de la société civile ? Sous quelle forme ?
• Allez-vous demander à la Commission européenne, qui négocie sur mandat des États membres, qu’elle agisse dans la plus grande transparence en rendant publics
les documents en cours de négociation ? Ou, à défaut, allez-vous le faire vous-même ?
Nous sommes particulièrement surpris par le silence de l’exécutif français quant aux lignes rouges qu’il avait exprimées à plusieurs reprises. Quelle est désormais la position française ? Le « non en l’état » exprimé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron depuis août 2019 tient-il toujours ? Ou bien devons-nous considérer vos déclarations les 5 et 6 juin dernier au Brésil, selon lesquelles vous indiquiez vouloir vous « donner du temps » pour « évidemment conclure » cet accord, comme la nouvelle position officielle de la France ? Nous souhaitons profiter de ce courrier pour rappeler que les derniers sondages d’opinion montrent que les accords de libéralisation du commerce sont largement rejetés par l’opinion publique de nombreux pays, notamment en France. Par ailleurs, plusieurs parlements nationaux et régionaux, ainsi que le Parlement européen lui-même ont pris explicitement position contre l’accord UE-Mercosur.
Plutôt que de rouvrir les négociations UE-Mercosur sur le contenu de l’accord, la Commission propose d’y annexer un « instrument commun » qui n’en change pas l’économie générale. Cette proposition ne comprend rien de précis concernant la libéralisation des échanges de produits agricoles, pourtant l’un des sujets les plus controversés de ce projet d’accord. La réponse des pays du Mercosur, si l’on en croit les extraits parus dans la presse étrangère, n’est pas plus de nature à résoudre l’ensemble des problèmes que soulève ce projet d’accord si anachronique.
Enfin, comme nous vous l’avons déjà indiqué dans un précédent courrier, nous sommes extrêmement préoccupés de voir la Commission européenne vouloir scinder l’accord UE-Mercosur, ainsi que ceux avec le Mexique et le Chili, de telle façon que les Parlements nationaux n’auraient pas à exprimer de position à leur sujet en cas de ratification. Allez-vous encourager un processus qui permette de dessaisir les parlementaires nationaux du droit de voter sur les accords de libéralisation du commerce que la Commission européenne négocie au nom de tous les É tats-membres ? Nous attendons de vous que vous exprimiez publiquement votre opposition à ces propositions lors du prochain Conseil Affaires étrangères (Commerce), le 27 novembre prochain.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, nos respectueuses salutations
Signataires :
ActionAid France, Aitec, Alofa Tuvalu, Amis de la Terre France, Attac France, CADTM France, Canopée Forêts Vivantes, Collectif Stop CETA/Mercosur, Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan), Confédération paysanne, Coudes à coudes, Extinction Rebellion France, Fédération Artisans du Monde, Fondation pour la Nature et l’Homme, France Amérique latine/FAL, France Nature Environnement, FSU, Générations Futures, Institut Veblen, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Secours Catholique – Caritas France, Solidaires, ZEA
Copie adressée à Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe.
Paris, le 24 novembre 2023