La LDH soutient « A l’ombre de l’Abbaye de Clairvaux », un film d’Éric Lebel

Sortie le 9 octobre 2024

La plupart d’entre nous ont entendu parler de l’Abbaye de Clairvaux, ne serait-ce que par ses prisonniers célèbres : Claude Gueux, qui inspira Victor Hugo, Auguste Blanqui, Charles Maurras, Guy Môquet, le duo Buffet, Bontems…

Ensemble monumental, elle fut pendant sept siècles une puissante et rayonnante Abbaye Cistercienne. Confisquée à la Révolution, Napoléon en fit ensuite la plus grande prison de son temps.

Quand Éric Lebel découvre cette abbaye-prison, devenue Maison Centrale, elle est sur le point de fermer. Naît en lui la profonde conviction qu’un film doit être fait sur ce lieu chargé de neuf siècles d’enfermement, « qui fait partie des lieux mythiques de notre histoire ».

Dans ce très beau documentaire, se croisent propos et réflexions de deux « longues peines », du Directeur et du personnel de la prison, d’un Inspecteur des Services Pénitentiaires, mais aussi de moines de Citeaux, maison mère de Clairvaux, le tout ponctué par de superbes images qui nous font visiter cette abbaye et son passé, et nous permettent de nous glisser dans la vie quotidienne à l’intérieur des murs, accompagnés par  la très belle création musicale de Clément Chauvelle, ou par le chant des moines.

Pari audacieux de mettre en parallèle ces deux types d’enfermement, où l’on parle de cellule, de clôture, de silence (forcé pour les prisonniers), et de travail, mais, comme le dit l’un des moines, les deux « communautés » ne se ressemblent guère, l’une est élective, l’autre non. Et la clôture, élément de contrainte pour les prisonniers, est, pour les moines, une protection pour préserver le dialogue intérieur.

L’une des deux « longues peines », Michel, 70 ans, se rapproche de ces derniers : après une vie plus qu’houleuse, son isolement lui a permis de se trouver lui-même et de rencontrer le bouddhisme. L’autre, Pierrejean, la trentaine, connaît davantage de difficultés dans cet environnement et s’occupe au maximum pour « vivre sa détention  et non pas la subir. »

Autour d’eux, un encadrement plutôt compréhensif. Surveillant, conseillers d’intégration et de probation, infirmière, enseignant, directeur : tous ont un regard assez bienveillant envers ceux qui leur sont confiés. Ils les considèrent avant tout en tant qu’êtres humains et essayent de gagner leur confiance. Rien à voir, apparemment, avec ce qui a existé auparavant, comme le souligne un ancien gardien en nous montrant les terribles « cages à poule ».

Les propos du Directeur des Services Pénitentiaires, devenu un des pivots du film, sont particulièrement intéressants : « une personne détenue…c’est quelqu’un que vous mettez sur une scène, nu, avec des projecteurs qui ne s’éteignent jamais… A trop pousser la logique de la peine de la privation de liberté, on finit par porter préjudice au sens même de la peine d’emprisonnement ». Pour lui, outre la surpopulation qui ne permet pas de faire un bon travail, la dimension accordée à la contrainte est trop importante, il faudrait travailler davantage sur la socialisation, privilégier le régime ouvert, les aménagements de peine, et aussi que les surveillants bénéficient d’une formation plus longue (6 mois actuellement !) et plus approfondie.

Le 30 octobre dernier, la LDH cosignait, avec une trentaine d’autres organisations, une tribune qui dénonçait les annonces politiques à ce propos, leur coût et l’impensé du sens de l’incarcération et de la sortie de prison. Nous avons besoin de réformes de fond visant à réduire le recours à l’incarcération et sa durée, fondées sur un changement de regard de la société. La prison ne doit plus être considérée comme la référence du système pénal, et ses alternatives, loin d’être symboliques, doivent se substituer à l’enfermement.

Le beau film d’Éric Lebel va dans ce sens et peut être un bel appui pour des débats à ce propos.

Réalisation : Éric Lebel

Production : Callysta productions et les films Grain de sable

Durée : 1h33

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