En salle le 30 arvil 2024
C’était la première fois qu’ils se mobilisaient et participaient à une action collective, celle des « gilets jaunes ». Ils se retrouvaient sur le rond-point des Prés d’Arènes à Montpellier. Les réalisateurs les avaient rencontrés à ce moment-là et ont continué à les suivre, jusqu’à en faire les personnages de ce film, qui questionne « l’après » : que reste-t-il de cette révolte ? Quelles traces laisse-t-elle chez celles et ceux qui y ont participé ?
Nous découvrons au fil de ce documentaire, par les récits choraux des protagonistes, qu’elles sont importantes et fécondes, tant que le plan personnel que sociétal.
La plupart des participantes et participants aux rassemblements du rond-point viennent d’un milieu assez modeste, d’une « France invisibilisée », comme dit Sandrine, l’une d’entre elles, d’une France qui ne se sentait pas très concernée par le collectif, le politique, et qui n’avait jamais milité. Participer à ce soulèvement a été une sorte de révélation, une véritable émancipation et les a transformé.es. Ecoutons-les : « Ce mouvement a construit des citoyens » – « Ce fut une véritable prise de conscience, on a vu qu’on pouvait agir, qu’on n’était pas seul » – « C’est une fierté sociale retrouvée » – « J’avais besoin de sens » – « J’ai appris l’engagement » – « La lutte des classes, ça ne me parlait pas » – « Du prix de l’essence au RIC ! Quel pas de géant ! » – « Ça te donne une force intérieure pour pouvoir faire du dépassement de soi »
Sens du collectif, découverte du politique, avancée dans leurs connaissances, leurs analyses, prises de parole en public (ce qui les effrayait avant), expérience de la solidarité, découverte d’une partie inconnue de soi… Prise de conscience aussi des violences policières.
Et ces acquis sur le rond-point perdurent : pour la majorité, la fin du mouvement des « gilets jaunes » n’a pas signifié celle de leur mobilisation et de leur engagement. Ils continuent à se réunir sur leur rond-point 2 jours par semaine et ont constitué un groupe Facebook. Une partie d’entre eux se considèrent « comme une famille », font du sport ensemble, chantent, vont jusqu’à enregistrer dans un studio des chants de lutte, distribuent des tracts lors des élections présidentielles et attendent ensemble les résultats de ces élections, qu’ils espéraient autres… L’un d’eux s’est présenté aux élections. Sandrine, déjà nommée, a tiré de son expérience sur le rond-point une BD qui a un succès indéniable. Et on les retrouve quasiment tous-tes à la manifestation contre les retraites à Montpellier. Pour elles et eux, la lutte continue…
« Nous avons senti que c’est après l’effervescence que ça se joue : dans les sillages laissés par la lutte. Car c’est là que l’avenir se pave » écrivent les réalisateurs. Leur film en est une belle démonstration.
Un film haut en couleurs, qui alterne scènes collectives réjouissantes et moments plus intimes, en gros plan. Où les personnages sont filmés avec beaucoup de tendresse, d’empathie, et où une eau souvent bouillonnante symbolise l’effervescence de leur révolte
Les réflexions, bilans, des personnages sont accompagnés par des analyses d’une grande finesse de l’historienne Ludivine Bantigny, qui évoque d’autres révoltes, celles de la Commune, des Indignés espagnols, et de la sociologue Héloïse Nez.
Apprentissage de la citoyenneté, de l’analyse, de la lutte sociale, éveil au « politique », réflexion en commun, solidarité : toutes ces thématiques résonnent avec les engagements de la LDH.
Réalisation : Emmanuelle Reungoat et Pierre-Olivier Gaumin
Production : Les films d’ici Méditerranée ;
Durée : 58 minutes