La LDH soutient « Je ne sais pas où vous serez demain », un film de Emmanuel Roy

Sortie fin 2023

Reem est médecin généraliste au centre de rétention administrative (CRA) de Marseille. Des hommes se succèdent devant elle. Leur vie est suspendue et personne ne peut prédire où ils seront envoyés demain. Auprès d’eux, Reem tente malgré tout de tenir une ligne de soin, de respect et d’écoute.

Emmanuel Roy filme les consultations médicales de personnes internées au CRA de Marseille, menées par la docteure franco-palestinienne, Reem Mansour. Le projet est né de sa rencontre avec cette médecin qu’il connaît depuis une dizaine d’années et dont il admire le travail. Ce tournage n’a été possible que grâce à l’intercession de Reem auprès des autorités du CRA et a été limité au cabinet dans lequel elle reçoit les hommes détenus qu’elle soigne et accompagne.

Ces consultations de médecine générale ouvrent des lieux de parole incroyables. Son bureau est un espace d’écoute et de respect, où la dignité est rendue aux retenus menacés d’être expulsés du territoire français.

Ces hommes ont été libres d’accepter ou non d’être filmés. Le réalisateur explique « c’était ma responsabilité, et mon intention dès le départ, de ne surtout pas me mettre à leur place mais d’être à leur côté, derrière eux. Au sens propre, je les soutiens ; et je suis face à Reem parce que c’est notre position : comment peut-on réagir, quand on est pris nous-même dans ce système de violence extrême ? Reem, c’est mon miroir ». Cadre serré, le cinéaste reste rivé sur Reem, respectueux de l’anonymat des patients détenus qu’elle reçoit. Eux sont de dos, en amorce du plan. Mais la caméra devient une présence témoin indispensable qui leur donne la possibilité de témoigner ; ce que font certains qui saisissent cette opportunité.

Leurs récits racontent une détresse physique et morale indéfinissable à laquelle l’institution ne donne aucune réponse. On y entend  les récits de répression et d’autorité qui traduisent toute la violence de la politique migratoire française. À chaque nouvelle consultation, Reem répète : « Je ne suis pas la police, je suis l’hôpital ». Mais elle doit soigner au sein d’un lieu dans lequel on ne peut pas aller bien. Reem est en quelque sorte enfermée là elle aussi, avec cette contradiction.

Le film, composé de quelques consultations, restitue l’écoute de Reem. Le réalisateur a voulu que le spectateur éprouve ce dispositif très simple. Il y a une grande intensité dans ce qui se joue. Le rendu peut sembler très brut, sobre et minimaliste mais fait progresser la découverte du personnage de Reem et comprendre son positionnement, ainsi que ce qu’est ce lieu et sa spécificité, les conséquences intimes et physiques pour ceux qui y sont enfermés.

Il se fait ainsi le complice de Reem pour témoigner de ce qu’il se passe dans ces CRA qui sont un outil central de la politique migratoire française, et un outil complètement abusif. Ce qu’on découvre, c’est l’injustice totale et les abus complets de ce système. Le harcèlement que les retenus subissent, et auquel ils résistent de toutes les manières possibles — en ne prenant pas leurs médicaments, en ne mettant pas le masque, en mangeant des vis pour être hospitalisés, par les grèves de la faim… Reem, elle, les vouvoie, les appelle « Monsieur », et par leur nom : elle tient une ligne de dignité, de respect de la personne.

 

Documentaire, 63 minutes, 2023, France

Réalisation : Emmanuel Roy

Écriture : Emmanuel Roy

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