Sortie le 4 octobre 2023
Un titre violent, à l’image des violences inouïes qu’ont subies, subissent encore pour certaines, les quatre protagonistes de ce film : insultes de la pire espèce, images dégradantes, menaces de viol, de mort, via Internet et les réseaux sociaux. Un déferlement de haine qui fait froid dans le dos et nous rappelle à quel point la misogynie est encore présente, et virulente.
Les deux réalisatrices, qui ont travaillé 7 ans sur ce film, ont recueilli avec une belle qualité d’écoute les témoignages de ces femmes, qui racontent et analysent leur douloureuse histoire avec beaucoup d’intelligence, de perspicacité, sans occulter la peur qui les saisit parfois.
En Italie, Laura Boldrini est élue Présidente de la Chambre des députés en 2013. Dès lors, sa fonction et son féminisme affiché lui valent des milliers de messages injurieux et menaçants. Parmi ses détracteurs, qui ne reculent devant rien, Beppe Grillo et Matteo Salvini…
Au Québec, Laurence Gratton, enseignante, reçoit depuis l’université le même genre de messages de la part d’un collègue qui harcèle aussi d’autres femmes, et va jusqu’à mettre son image sur des sites pornographiques.
Aux USA, Kiah Morris, élue dans le Vermont et seule femme noire de la Chambre, devient la cible d’hommes d’extrême droite qui déversent sans vergogne insultes racistes, menaces et mensonges sur les réseaux sociaux. Quand ce harcèlement numérique se transforme en danger réel, elle se résout à démissionner et déménage. Elle se souvient de l’assassinat de Jo Cox…
En France, Marion Seclin, comédienne, Youtubeuse, et féministe, a reçu plus de 40 000 messages de haine après avoir dénoncé le harcèlement de rue dans une vidéo et continue à se faire incendier.
Les réalisatrices entremêlent leurs histoires, en suivant l’ordre chronologique, et font souvent défiler sur l’écran, en grosses lettres, les insultes reçues. Choc quasi insoutenable, mais nécessaire : tout ceci est d’une extrême gravité et doit être mis en lumière.
Un père aussi témoigne : la fille de Glen Canning, lycéenne, a été droguée et violée. L’image de son agression a été diffusée sur les réseaux sociaux et provoqué des posts d’une cruauté sans nom. La jeune fille s’est suicidée.
Bien entendu, ces femmes et cet homme ont réagi, porté plainte, à différentes instances. Mais elles et il n’ont trouvé aucun secours, aucune écoute digne de ce nom, ou un aveu d’impuissance.
A ces témoignages poignants s’ajoute la parole de différentes universitaires, dont, étrange coïncidence, la sœur, Donna, de Marc Zuckenberg, spécialiste de la misogynie en ligne, et qui la condamne fermement. Une autre rappelle que les femmes sont insultées systématiquement depuis leur apparition dans l’espace public ; une autre souligne que les médias sociaux s’enrichissent de la haine propagée sur leurs plateformes ; une autre dénonce le manque de recours légaux contre la cyberviolence et la non formation des policiers à cet égard.
En effet, devant ces agressions numériques, aucune réponse des pouvoirs publics n’est satisfaisante, et la législation à l’égard des plateformes est pire qu’insuffisante. Il est urgent que les uns et les autres soient mis-e-s en demeure de réagir de manière efficace.
Le combat pour les droits des femmes est une des batailles de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), et ce beau film courageux, terriblement nécessaire, peut être un outil de choix.
Il a déjà parcouru le monde, avec grand succès et des promesses d’intervention de la part de différents responsables politiques. Espérons qu’il fasse bouger les lignes.
Pour aller plus loin, lire l’article « Cyberviolences de genre : plongée dans la toile des dominations » de Laure Salmona paru dans la revue Droits et liberts
Long-métrage – 1h20′ – Québec – 2022
Réalisation : Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist
Avec Laura Boldrini, Laurence Gratton, Kiah Morris, Donna Zuckenberg et Marion Seclin
Distribution : La Ruelle Films
Mots clef : droits des femmes, misogynie, cyberviolence