Sortie en salle le 5 octobre 2022
Dans son appartement sous les toits de Paris, au milieu de dossiers et de journaux, une toute petite dame de 90 ans, ethnologue à la retraite, et spécialiste du Soudan et du Tchad, et particulièrement de la région du Darfour, accueille depuis une dizaine d’années pour des entretiens approfondis des réfugiés ayant survécu au génocide du Darfour, dont l’Ofpra a rejeté la demande d’asile et qui souhaitent présenter un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Par sa connaissance très pointue de ce territoire où elle a effectué de nombreuses missions et sa proximité avec les populations noires-africaines, Marie-José Tubiana est en effet la seule experte qui puisse les aider à constituer un dossier prouvant leur origine géographique et ethnique ainsi que la véracité de leur histoire, conditions exigées par l’Ofpra pour leur accorder l’asile.
Au fil des 5 rendez-vous entre Marie-José Tubiana et les demandeurs d’asile qu’elle va interroger longuement avec une bienveillance et une attention immenses, tout en exigeant d’eux des précisions capitales pour étayer leur témoignage, on remonte aux origines du génocide du Darfour déclenché par le président du Soudan Omar el-Béchir en 2003 et qui perdure au-delà de sa chute en 2019. Ce dernier, musulman issu d’une tribu arabe, prend le pouvoir en 1989, instaure au Soudan la charia et un islamisme radical, qu’il veut imposer aux populations noires–africaines musulmanes du Darfour, celles-là mêmes qui vont se rebeller contre le gouvernement en 2002. Omar el-Béchir décide alors de les anéantir et de rayer leurs territoires de la carte en pratiquant le pillage et la politique de la terre brûlée avec l’aide de l’armée soudanaise et des terribles milices « janjawid » : depuis 2003, 3000 villages du Darfour ont entièrement disparu, et avec eux les preuves de l’origine de millions de réfugiés. Or l’Ofpra refuse de leur accorder l’asile politique quand elle ne dispose pas des moyens de vérifier leurs récits. C’est là qu’intervient Marie-José Tubiana, cette combattante de l’ombre, qui a conservé tous les documents et cartes de son travail.
Malgré la connaissance des faits, et bien qu’en 2010 la Cour pénale internationale ait émis un mandat d’arrêt contre Omar el-Béchir pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide envers les ethnies africaines du Darfour, depuis 2016 l’UE a versé au Soudan 200 millions d’euros pour retenir tous ceux qui tentaient de fuir le pays !
Mots-clés : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, réfugiés, demandeurs d’asile, torture
La Combattante
Réalisation : Camille Ponsin
France, 2022, 1h34