La Ligue des droits de l’Homme soutient l’initiative du groupe « femmes et filles de harkis » qui appelle, le samedi 10 janvier 2004 à Paris, à une marche qui partira à 13h30 de la place Vauban (derrière les Invalides).
Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à discuter d’un projet de loi, les épouses et les filles d’ex-supplétifs de l’armée française entendent rappeler, par cette manifestation, “ le traitement indigne des harkis depuis 41 ans ”. Elles exigent que “ la République reconnaisse officiellement sa responsabilité dans l’abandon dramatique de ses ressortissants en 1962 ”.
En 1962, la République a commis, en Algérie, un crime d’État. En laissant les supplétifs algériens qu’il avait employés, le gouvernement français les a sciemment exposés aux massacres qui ont été commis. Nul n’ignorait que la violence de la guerre d’Algérie ne pouvait qu’engendrer de tels comportements : cette chronique annoncée d’un massacre met en évidence la responsabilité conjointe de ceux qui l’ont perpétré mais aussi de ceux qui l’ont autorisé.
Il ne suffit pas que la République ait instauré une journée dédiée à la reconnaissance des harkis (il a fallu attendre 1974 pour que leur qualité d’anciens combattants soit reconnue), il faut, comme à l’égard des crimes commis par une partie de l’armée française, que la République reconnaisse sa responsabilité publiquement. Et celle-ci est d’autant plus lourde qu’après le massacre est venu, pour les survivants, le temps de la discrimination institutionnelle. Peut-on imaginer que, pendant des années, ceux qui avaient échoué en France ont été parqués, cachés, discriminés ? Qu’est-ce qui peut justifier ces baraquements sordides, ces écoles au rabais et cet exil intérieur auquel on a contraint des citoyens français ?
Près de 40 ans après la guerre d’Algérie, plusieurs dizaines de milliers de personnes portent encore les stigmates d’un traitement honteux qui, appliqué à d’autres, n’aurait pas été revêtu de la chape de plomb qui l’a entouré.
Une double justice doit être rendue aux harkis : reconnaître le crime d’État dont ils ont été victimes, et la discrimination dont ils sont encore aujourd’hui l’objet. Et cela relève de la responsabilité du président de la République et du gouvernement.
C’est pour rappeler cette double exigence que la LDH appelle à soutenir la marche pacifique du samedi 10 janvier 2004.
Paris, le 6 janvier 2004