Sortie en salle le 12 janvier 2022
Situé à 7 kilomètres du centre de Damas, Yarmouk était initialement un camp de réfugiés créé par l’ONU dans les années 1950 pour accueillir les Palestiniens chassés de leurs terres ou fuyant la guerre israélo-arabe après la création de l’État hébreu en 1948. Il s’est transformé au fil des décennies en un quartier résidentiel et commercial, qui s’étend sur deux km², mais a gardé son nom de « camp ». Avant le début du conflit syrien, environ 160 000 Palestiniens, ainsi que des Syriens, y vivaient. A partir de 2011, le quartier devint un champ de bataille entre forces du régime et rebelles syriens appuyés chacun par des groupes palestiniens. C’est le camp des rebelles qui l’emporta fin 2012, et quelque 140 000 personnes ont fui Yarmouk en une semaine. Pendant deux ans, de 2013 à 2015, le régime de Bachar el-Assad imposa au camp un siège impitoyable. Plus personne ne pouvait ni entrer ni sortir. Peu à peu, les habitants furent privés de nourriture, d’eau, d’électricité, de médicaments. 181 habitants de Yarmouk sont morts de faim pendant ce siège.
Le réalisateur de Little Palestine. Journal d’un siège, Abdallah Al-Khatib, vivait à Yarmouk. Il n’avait jamais tenu de caméra auparavant : « De temps à autre, mes amis et moi prenions une caméra pour enregistrer la vie quotidienne pendant le siège. (…) Je filmais sans imaginer qu’un jour j’envisagerais d’en faire un film. Je ne savais pas que je survivrais au siège. » Après la prise de contrôle du camp par Daech en mars 2015, Abdallah Al-Khatib est expulsé comme nombre de Palestiniens. Réfugié en Allemagne, il peut récupérer, via des amis, les disques durs contenant ses enregistrements et commencer à les monter : « Au cours des deux années [de montage] j’ai compris que je ne pouvais pas couvrir tous les événements de Yarmouk et du siège, que je faisais un film sur l’expérience humaine et qu’à travers cela je pouvais peut-être faire la lumière sur ce qui s’est passé dans le camp, sans avoir à raconter toute son histoire. »
Little Palestine est tourné presque entièrement en extérieur, dans des rues en ruines où les gens déambulent dans une quête sans fin de nourriture. Le réalisateur accompagne sa mère, une femme énergique et rayonnante, qui s’est improvisée infirmière pour porter secours aux personnes âgées isolées. Avec un grand sens de l’observation et du cadrage, il filme pendant de longs mois les efforts de survie des habitants confrontés à une situation d’extrême précarité. Il recueille leurs paroles de révolte et de désespoir. Mais on voit aussi des enfants, avec lesquels on sent qu’il a une grande complicité, qui jouent joyeusement et expriment leurs rêves et leurs désirs devant la caméra. Toute la beauté du film tient à cet équilibre entre la dureté d’une situation et l’humanité qui subsiste malgré tout. De sa voix douce, le réalisateur ponctue le film de quelques-unes de ses réflexions personnelles sur l’expérience du siège qu’il a rassemblées dans un livre, Les 40 règles du siège.
Avec la sensibilité de son regard, Abdallah Al-Khatib réussit à transformer une expérience vécue en un film puissant qui témoigne avec force et sans pathos de la dignité et de la résistance d’un peuple face à un des nombreux crimes commis par Bachar el-Assad.
Little Palestine. Journal d’un siège a fait partie de la sélection de l’Acid au festival de Cannes en 2021 et a été primé dans une trentaine de festivals dans le monde.
Mots-clés : Syrie/guerre – Crimes de guerre – Palestiniens dans le monde
Little Palestine. Journal d’un siège.
Liban/France/Qatar.
Réalisation : Abdallah Al-Khatib.
Distribution : Dulac Distribution.
2021. 89 min