Lettre ouverte
Il n’appartient pas à la LDH (Ligue des droits de l’Homme) de juger du bien-fondé des procédures disciplinaires en vigueur dans l’Education nationale en tant que telles. Pour autant, on peut constater que les règles qui les encadrent permettent a minima l’expression du contradictoire, les commissions entendant les parties, les décisions de sanction étant susceptibles de recours, etc.
Tel n’est pas le cas des mutations dans l’intérêt du service. Ces mesures, justifiables au nom du principe selon lequel l’affectation des agents doit correspondre aux besoins du service public, n’offrent aucune garantie procédurale. Leur objet étant vague par nature, les risques de détournement de leur objectif d’intérêt général est important et la juridiction administrative a plusieurs fois été amenée à annuler des décisions de mutation qui révélaient l’intention de punir.
Le recours aux mutations d’office pour sanctionner de manière déguisée des enseignants jugés dérangeants par leur direction s’affranchit des principes que la LDH défend, au nombre desquels le respect du contradictoire et la régularité des procédures faisant grief aux personnes. Au-delà de la « commodité » pour l’administration de contourner la procédure disciplinaire, cela conduit de plus à sanctionner des agents dont le dossier n’aurait en toute hypothèse pas permis d’étayer une sanction.
S’il s’avère que des mutations d’office visent des militants syndicaux, cela pose de plus le problème de la liberté d’expression, de la liberté d’opinion et de la liberté syndicale des enseignants. Ciblées ainsi, elles peuvent être constitutives d’une discrimination à raison des activités syndicales. De manière générale, en l’absence de motif suffisant, ces mesures porteraient atteinte aux libertés publiques au travail, garanties aussi aux agents publics. Cela semble être le cas dans plusieurs affaires concernant des adhérents de Sud éducation que vous avez portées à la connaissance de la Défenseure des droits. C’est pourquoi la LDH souhaite vous apporter son soutien dans le cadre de cette saisine.
C’est avec inquiétude que nous observons des tentatives de remises en cause de nombre de libertés et droits fondamentaux s’exprimer avec de moins en moins de retenue dans l’administration. Nous continuerons de rappeler avec les organisations syndicales de la fonction publique que les principes et lois républicaines s’appliquent en premier lieu à la puissance publique. La LDH demande que les mutations sanctions avérées soient annulées et se déclare solidaire des enseignants concernés ainsi que des parents et des élèves qui les soutiennent !
Paris, le 10 octobre 2022