La LDH soutient « Mon gâteau préféré », un film de Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha

Sortie le 5 février 2025

Le sujet de ce  film était en soi suffisamment intrigant pour que la LDH s’y intéresse : Mahin, une septuagénaire iranienne d’un tempérament ouvert,  curieux et n’ayant  pas froid aux yeux, vit seule et a pour uniques distractions  de voir ses amies, et de cuisiner et faire des gâteaux pour elles ; un jour elle décide,  à la suite d’un trajet en taxi au cours duquel elle bavarde avec le chauffeur, un homme de son âge, célibataire et au demeurant  respectueux,  fort sympathique et plutôt bien de sa personne, de l’inviter chez elle, non sans arrière- pensées ; en effet,  elle qui vit dans la solitude et se trouve au seuil de la grande vieillesse, garde au fond de son cœur des rêves romantiques, et a follement envie d’avoir – à nouveau ?-  une vie amoureuse.

Nous faisons connaissance avec Mahin dans un parc où, déjà, venant à la rescousse de jeunes femmes qui n’ont pas mis correctement leur voile, elle intervient auprès de la police de la moralité pour défendre ces dernières. Puis, rentrant chez elle en taxi et n’écoutant que son audace et sa détermination à se trouver un compagnon, Mahin convainc Faramarz, ce sympathique chauffeur, qui a bien du mal à croire à pareille chance, de venir dîner chez elle. Elle l’accueille, disparaît un moment et revient toute parfumée, vêtue d’une tenue aguichante, l’invite à utiliser sa salle de bains, pendant qu’elle va préparer le repas, bref elle lui fait « le grand jeu », attitude en totale contradiction avec les règles de cette société où les femmes sont surveillées comme le lait sur le feu et ne sont censées avoir des rapports avec les hommes que dans le cadre du mariage.

La suite de l’aventure, riche en péripéties tragi-comiques, ne manque pas d’humour, mais ce serait vraiment dommage de les raconter ici ! Tout en relatant une situation qui n’est pas particulièrement optimiste, mais en fait par certains aspects assez universelle:  la solitude immense de la vieillesse, la perte, le deuil en toile de fond, le besoin d’amour malgré l’obstacle de l’âge, les réalisateurs mettent en scène une héroïne du quotidien qui ne veut pas se laisser abattre ;  Mahin a le désir de se sentir exister encore, de diriger sa vie envers et contre  tout,  et surtout en l’occurrence malgré les contraintes et les interdits que la société iranienne fait peser sur les femmes en général et sur elle dans ce moment  particulier; elle a décidé de les ignorer,  et elle fonce, dans un élan vital qui la dépasse, pour se donner l’illusion que tout est encore possible, y compris pour une femme âgée comme elle. Elle devient une « vieille dame indigne » – c’est ainsi qu’on pourrait la qualifier chez nous ; dans un contexte ultra-patriarcal où les femmes sont entièrement soumises aux hommes et dépendantes d’eux, sa conduite apparait comme provocante et proprement subversive.

Mais le plus significatif est la suite donnée les autorités iraniennes, qui ont en effet vite compris et interprété à leur manière l’aspect  profondément subversif du film :  selon des informations transmises par Radio Farda et Iran International, après maints obstacles opposés au couple de réalisateurs-scénaristes pour les empêcher d’aller présenter leur film à la Berlinale,  puis de sortir du territoire- en cause la scène du parc où Mahin intervient courageusement pour aider les jeunes femmes au voile mal mis – le tribunal les a accusés de faire de la propagande contre le régime, de prôner le libertinage et la prostitution, d’enfreindre la loi islamique en réalisant et montrant un film vulgaire (sic). Ces derniers ont dans tous les cas employé les moyens pour faire du film une forme de manifeste : la formidable actrice qu’ils ont choisie pour interpréter le rôle de Mahin, Lily Fahradpour, est écrivaine, journaliste et militante pour les droits des femmes ; et les deux réalisateurs ont dédicacé le film « aux femmes honorables et courageuses de notre pays qui sont montées en première ligne dans la lutte pour le changement social ».

Ce très beau film qui contribue à faire mieux connaître les conditions de vie des femmes iraniennes mérite d’être soutenu et diffusé largement.

Réalisation : Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha

Production : Arizona Distribution

Durée : 1h36

Share This
Soutenez les combats de la LDH

Les droits et les libertés ça n’a pas de prix, mais les défendre a un coût.