
Sortie le 7 mai 2025
Peu nombreuses et nombreux sont sans doute celles et ceux qui se souviennent de la révolution soudanaise qui vit tomber en avril 2019 l’un des plus vieux dictateurs de la planète, Omar El Bechir, sous le coup de plusieurs mandats d’arrêts de la Cour pénale internationale (CPI).
A partir de décembre 2018, un immense mouvement de protestation d’abord contre la vie chère et notamment le prix du pain, s’est peu à peu étendu à l’ensemble du pays pour demander la chute du dictateur. L’occupation, à partir d’avril 2019, par des milliers de personnes de la place située devant le quartier général de l’armée à Khartoum fut l’un des points forts de ces mouvements de protestation. Le 3 juin (dernier jour du Ramadan), la junte militaire a violemment dispersé les manifestants, faisant une centaine de morts. La mobilisation durera néanmoins jusqu’en octobre 2019, de façon plus ou moins sporadique, toujours avec la perspective de la mise en place d’un gouvernement civil.
C’est ce sit-in et les mobilisations qui l’ont précédé et suivi que Hind Meddeb, fille de l’écrivain tunisien et d’une linguiste algéro-marocaine, suit avec sa caméra au travers du regard de quelques jeunes Soudanais et notamment des jeunes femmes. La documentariste n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a déjà rendu compte de la révolution égyptienne via Electro Chaâbi et de la révolution tunisienne via Tunisia Clash. Elle est aussi la réalisatrice de Paris Stalingrad qui retrace la vie de ces hommes, ces femmes et ces enfants venant notamment d’Afrique de l’Est qui se sont regroupés autour du métro Stalingrad rêvant d’une vie meilleure et confrontés aux violences de la police française (ce film sorti en 2021 avait déjà été soutenu par la LDH).
Comme dans Electro Chaâbi et Tunisia clash, Hind Meddeb filme les espoirs de ces jeunes gens. Elle nous montre l’entraide qui prévaut entre générations et notamment avec les mères qui s’occupent du ravitaillement. La musique, les poèmes, les dessins et notamment les portraits des martyrs sont leurs armes. Au travers d’interviews, on partage leur rêve d’un monde sans charia, sans militaires, d’un nouveau Soudan. La caméra porte le regard de la cinéaste dans les rassemblements mais aussi dans l’intimité de ces jeunes femmes. Elle les accompagne dans les rues de Khartoum pendant les manifestations, le sitting mais aussi dans les rues vides après les multiples moments de répression qui frappent y compris leurs proches.
La soif de liberté anime cette jeunesse et nous donne envie de croire avec elles et eux à ce nouveau Soudan dont elles et ils rêvent, mais malheureusement la suite est tout autre.
Outre la révolution, ce film est l’occasion d’aborder la situation d’un de ces pays d’Afrique de l’Est, dont on parle si peu alors qu’ils ont une histoire plurimillénaire d’une richesse incroyable. Depuis son indépendance, le Soudan n’a quasiment pas connu autre chose que des régimes militaires mais sa population pluriethnique fait preuve d’une résilience extraordinaire. Aujourd’hui, le pays est livré à une nouvelle guerre civile (parfois appelée la 4ème guerre civile du Soudan) opposant les forces armées officielles et les forces de soutien rapide qui se sont forgées une sinistre réputation de violence lors des « évènements du Darfour ». Depuis le début du conflit en avril 2023, outre des milliers de morts et de blessés, plus de douze millions de personnes ont été déplacées dont la majorité sont des femmes et des enfants et plus du double souffre d’insécurité alimentaire aigüe. L’ONU a dénoncé des crimes de guerre commis par les deux factions contre la population (exécutions sommaires, torture, mutilations de cadavres, enrôlements forcés, recrutements d’enfants soldats, trafic d’êtres humains, esclavage et bien sûr violences sexuelles). De quoi alimenter le débat au-delà du film lui-même.
Réalisation : Hind Meddeb
Production : Dulac Distribution
Durée : 1h16