Communiqué LDH
Depuis le 7 octobre 2023, depuis les bombardements sur la population de Gaza, les réflexes militants et d’identité ont engagé chacune et chacun dans la protection de ce qui leur paraissait le plus légitime. Si les guerres et les crimes contre l’humanité n’ont jamais cessé à travers le monde, en France ils résonnent plus que jamais dans les consciences͏. En témoigne la crispation d’une partie de la communauté juive face à un moment vécu comme existentiel après les atrocités commises sur des civils israéliens. En témoigne également celle d’une partie de la communauté arabo-musulmane et des soutiens au peuple palestinien qui dénoncent avec impuissance les massacres de civils palestiniens de Gaza et la poursuite inexorable de la colonisation en Cisjordanie. L’antisémitisme, l’islamophobie et les racismes en sont les symptômes les plus saillants, florissant sur les discours réactionnaires dont certains médias et sphères politiques se nourrissent. La haine se déverse sans entrave.
A un moment où la conflictualité politique aurait dû laisser la place au dialogue et à l’écoute pour panser ces fractures, les rapports de forces se sont exacerbés. C’est dans ce moment périlleux que le gouvernement a choisi d’exercer des mesures violentes et liberticides contre l’expression politique et sociale. La circulaire du ministère de la Justice du 10 octobre 2023 appelant à une réponse pénale ferme et rapide contre les expressions militantes a conduit à la multiplication de poursuites pour apologie du terrorisme contre des représentants syndicaux et politiques. Les préfectures et des représentants politiques exercent des pressions contre le monde académique pour restreindre la liberté d’expression au sein des universités, interdisant de manière inconsidérée des réunions qui s’inscrivent naturellement dans le nécessaire débat public et démocratique du pays. Dernière en date, une manifestation pacifique contre le racisme a été interdite par le préfet de police de Paris avant que cette interdiction ne soit heureusement censurée par les juridictions administratives comme étant manifestement illégale. Ce sont plus généralement toutes les expressions de soutien à la population palestinienne qui sont visées en raison même de ce soutien. La liberté d’expression, même lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre légal, n’a jamais autant été restreinte par l’Etat ou par ses représentants ces dernières décennies. L’équilibre délicat instauré par la loi et les tribunaux pour protéger les libertés individuelles et collectives d’expression de ses opinions, cœur vivant de la démocratie, est en danger.
Les messages présentant favorablement les actes terroristes commis par le Hamas ainsi que les crimes de guerre commis par l’Etat israélien doivent être dénoncés et condamnés. Ce à quoi nous assistons est bien différent. C’est d’opportunisme politique et de poursuites de circonstances qu’il est question. Un opportunisme qui conduit à stigmatiser toute une sphère militante par le biais de la répression judiciaire et administrative. Bâillonner les consciences, c’est jouer délibérément contre la démocratie, contre le débat public, contre l’ordre social. Alors que les périls sont immenses, le monde et donc la France ont besoin de dialogue, de compréhension et de l’affirmation du droit face à la violence.
C’est avec gravité que la LDH (Ligue des droits de l’Homme) demande au gouvernement de les promouvoir et de mettre un terme aux atteintes disproportionnées à la liberté d’expression.
Paris, le 23 avril 2024