Le nouvel espace qu’est l’internet ouvre d’immenses possibilités quant à la circulation de l’information, à la diffusion du savoir, à la communication entre les personnes, à l’expression et à la mobilisation citoyennes (locales, nationales ou internationales), qui sont autant d’armes contre tous les pouvoirs arbitraires. Moyen formidable pour déjouer les censures, il permet aussi de contourner le pouvoir de l’argent puisque ses coûts de diffusion d’informations ou d’opinions sont sans aucune mesure avec ceux des autres médias existants. Nous devons donc nous dépêcher de nous en saisir.
En même temps, la rapidité du développement des techniques ne doit pas nous dispenser de la nécessaire réflexion éthique, économique et politique sur les règles qui doivent y régner. Ce moyen qui traverse les frontières comme les limites des aires linguistiques doit en particulier susciter notre vigilance quant à ses utilisations commerciales et dans des buts de surveillance illégale ou d’immixtion dans la vie privée des gens. Sur ce réseau mondial dépassant les territoires où s’exercent des normes juridiques se pose la question des règles qui doivent s’y appliquer et des autorités compétentes pour les établir qui, à l’évidence, ne doivent pas être les grands groupes de télécommunication.
Si nous sommes farouchement attachés à la liberté d’expression, sur internet comme ailleurs, nous le sommes dans la fidélité aux principes de l’article 11 de la Déclaration de 1789, qui lui fixe pour limite les abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi, et à ceux de la loi de 1881 qui l’organise en permettant des poursuites en cas d’infraction. Toutes les déclarations et conventions internationales permettent les restrictions nécessaires dans une société démocratique. C’est donc une conception de la défense de la liberté d’expression, à l’opposé de la répression pratiquée par les dictatures.
À ce titre, le racisme, la pédophilie, la diffamation ou les atteintes à la vie privée doivent être réprimés sur internet comme ils le sont aujourd’hui sur tous les médias : les tribunaux sont fondés à sanctionner de tels débordements et à les interdire, même s’ils proviennent de sites extérieurs aux frontières nationales.
Cependant, le propre d’internet est de franchir les frontières. Il offre aussi la possibilité de types de communication nouveaux, à la lisière de l’expression publique et de la correspondance privée. Et le fait que l’application du droit y est nécessaire, ne justifie pas d’y appliquer, par exemple, un contrôle arbitraire sur le réseau aux conversations privées.
Aussi nous appartient-il de favoriser sur ce sujet un grand débat civique. L’adoption d’une législation européenne en ce domaine, et, au delà, d’une convention internationale, qui, partout dans le monde, y consacrent la liberté d’expression, indépendamment des pressions financières, et prohibent et sanctionnent les abus, est nécessaire.