La loi contre le narcotrafic crée un nouveau motif d’expulsion locative flou et sans rapport avec le narcotrafic !

Communiqué commun du Collectif des associations pour le logement (CAL) dont la LDH est membre et de la Plateforme logement pour tou-te-s

L’article 24 de la proposition de loi contre le « narcotrafic », adoptée par le Sénat début février puis en commission à l’Assemblée nationale le 7 mars, crée un nouveau motif d’expulsion locative sans rapport direct avec l’objet de la loi.

En cas de troubles « aux abords » du logement, un locataire et les autres membres de son ménage pourraient être expulsés. Cet article présente le risque majeur d’étendre de manière disproportionnée, et sans limites claires, le champ des motifs d’expulsions locatives, mêlant injustement et de manière disproportionnée ordre public et droit à la vie privée et familiale.

L’article impose à l’occupant de « s’abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d’aller et venir ».

Ainsi, il est proposé de faire perdre leur logement à :

  • Des personnes dont on peine à identifier précisément les faits qui leur sont reprochés et leur degré de gravité qui pourraient justifier de leur faire perdre leur logement ;
  • Des personnes autrices de délits qui sont déjà sanctionnées dans le code pénal et qui ne devraient pas pour autant remettre en question leur droit fondamental au logement ;
  • Toute la famille de l’auteur des faits reprochés, quand bien même cette famille n’aurait rien à voir avec ceux-ci, occuperait paisiblement son logement et paierait son loyer.

Le logement est un droit qui ne doit pas devenir conditionné à un comportement exemplaire. Les intérêts du voisinage immédiat, y compris en cas de trafic de stupéfiants, sont déjà bien protégés par la loi du 6 juillet 1989 dont l’objet n’est que les rapports locatifs, et pas le rapport à la société tout entière. Ce qui se passe à l’extérieur du logement, à l’échelle de la rue ou du quartier, si tant est que cela cause un trouble grave à l’ordre public, relève principalement d’autres réglementations indépendantes du logement, sous contrôle d’un juge compétent pour les seules infractions dont il serait saisi.

L’adoption de cette mesure ouvrirait une brèche vers l’expulsion facile des locataires pour des motifs autres que le non-respect de leurs obligations locatives et à l’intolérance absolue envers les locataires atypiques ou non conformes aux yeux des bailleurs ou du voisinage, jeunes, handicapés, vieillissants….

Les autorisations d’accorder le concours de la force publique ont doublé et les expulsions effectives avec intervention des forces de l’ordre ont augmenté de 200 % depuis 2001, pour atteindre 19 023 expulsions en 2023, essentiellement pour des impayés de loyers.

Cette proposition de loi, en lecture accélérée, sera discutée en séance à partir du 17 mars, à quelques jours de la fin de la trêve hivernale des expulsions.

Nous demandons la suppression de ce nouveau motif d’expulsion locative contraire au droit au logement.

Les 40 associations du Collectif des Associations pour le Logement :

Advocacy France – Association DALO – Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs – Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants (ANVITA) -ATD Quart Monde – Aurore -Centre d’action sociale protestant (CASP) – Cité Caritas – Collectif Les Morts de la Rue – Collectif National Droits de l’Homme – Romeurope – Comité des Sans Logis – Croix-Rouge française – Emmaüs France – Emmaüs Solidarité – Enfants du Canal – Fédération d’aide à la santé mentale Croix Marine – Fédération des Associations et des Acteurs pour la Promotion et l’Insertion par le Logement (FAPIL) – Fédération de l’Entraide Protestante – Fédération des Acteurs de la Solidarité – Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT-Gens du voyage) – Fédération Nationale des Samu Sociaux – Fédération Santé Habitat – Fondation pour le Logement des Défavorisés – Fondation de l’Armée du Salut – France Horizon – France Terre d’Asile – Habitat et Humanisme – La Cloche – LDH (Ligue des droits de l’Homme) – Médecins du Monde – Secours Catholique – SoliHa – Solidaires pour l’Habitat – Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL) – Union Nationale des Amis et des Familles de Malades Psychiques (UNAFAM) – Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) – Union Nationale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes (UNCLLAJ) – Union Nationale pour l’Habitat des Jeunes (UNHAJ) – Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UNIOPSS) – Utopia 56

Les 29 associations et syndicats de « la plate-forme logement pour tou-te-s » :

AFVS (Association des Familles Victimes de Saturnisme), AITEC (Association Internationale des techniciens et experts), ALDA, ATMF association des travailleurs Marocains en France, ATTAC FRANCE, BAGAGÉRUE, CGT, CNAFAL (Conseil National des Associations Familiales et Laïques), Convergence Nationale des Services Publics, CNL (Confédération Nationale du Logement), COPAF (Collectif pour l’avenir des foyers), CONSTRUIRE !, CRLDHT (Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie), CSP75 (Collectif des Sans Papier Paris), DAL, Droits Devant !, FASTI (Fédération des Associations de Solidarité Travailleurs Immigrés), Femmes Égalité, FSU, FUIQP (Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires), MRAP, PAS SANS NOUS, SAF Syndicat Unifié du Bâtiment RP CNT-F, Union Syndicale Solidaires, SNPES PJJ FSU, STOP PRÉCARITÉ, Syndicat de la Magistrature, Syndicat de la Médecine Générale, UTOPIA 56.

Paris, le 18 mars 2025

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