La loi Sécurité globale criminalise les personnes sans logement et la pauvreté !

Communiqué commun dont la LDH est signataire

La loi Sécurité globale, validée par le parlement le 15 avril dernier, précarise et criminalise davantage les personnes sans-logis qui occupent ou se maintiennent dans des locaux vacants sans titre locatif. Loin de ne protéger que le domicile des habitant-e-s, l’article 1er bis A sanctionne désormais l’occupation de locaux vacants, professionnels, commerciaux, agricoles ou industriels.

De surcroît, il inflige trois ans de prison et 45 000 euros d’amende à ces personnes en situation de précarité, triplant les peines à leur encontre, alors même que le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition de la récente loi Asap.

Enfin cet article autorise la police municipale, pourtant dénuée de tout pouvoir d’enquête, à retenir les occupants, jusqu’à l’arrivée d’un agent de police judiciaire ou à les lui livrer. Outre les personnes sans logis, les habitant-e-s de bidonvilles, les squatteurs, les locataires non déclarés… sont aussi visées les occupations ponctuelles militantes ou syndicales.

Cette disposition, qui va précariser et criminaliser davantage les personnes sans-logis, est extrêmement préoccupante. Elle traduit le climat très agressif à l’égard des occupant·e·s sans titre dans le débat public, alimenté par la surmédiatisation d’affaires marginales. Est-il pourtant nécessaire de rappeler que certaines personnes sans logis sont contraintes de « squatter » faute de logement disponible, dans un pays où le nombre de sans-abri explose, et alors même qu’elles ont parfois engagé toutes les démarches pour se loger, voire que l’Etat est condamné à les reloger dans le cadre du droit au logement opposable ?

Alors que la crise sanitaire a démontré à quel point le logement était essentiel pour la santé et que le nombre de logements vacants augmente, le gouvernement et des parlementaires décident de sanctionner et d’expulser ceux qui par nécessité se sont mis à l’abri dans des logements inutilisés, au lieu de les reloger. Il criminalise aussi les personnes et associations qui aident les sans toit à se mettre à l’abri, pourtant la solidarité n’est pas un délit !

Au nombre insuffisant de places d’hébergement, à l’engorgement de la demande de logement social, à la hausse constante des expulsions locatives, le gouvernement et les parlementaires ne répondent que par une répression accrue, comme s’ils assignaient les sans-logis à finir leur vie sur un trottoir ou dans les recoins invisibles de la ville ? Face à l’incapacité récurrente de mettre en place une politique publique pour loger toute la population, il faut cesser de criminaliser les occupant-e-s de logements vides qui n’ont d’autre solution ! 

Laisser un bien immobilier vacant dans ce contexte de crise du logement et sanitaire est un abus de droit de propriété. Les outils existent pour inciter les propriétaires à louer leurs biens vacants à un prix raisonnable et à des associations agréées pour y loger les plus démunis (en contrepartie d’avantages fiscaux et de travaux si besoin), et à défaut pour réquisitionner ces locaux. Ils ne sont quasiment pas utilisés par les pouvoirs publics.

Nous saisirons dans les prochains jours le Conseil constitutionnel autour des graves et dures conséquences sur les plus vulnérables de l’article 1er bis A de la loi “sécurité globale”. Nous lui demandons d’invalider cet article contraire à la dignité humaine, au droit au logement, au devoir de solidarité et à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

 

Premiers signataires : Aitec, Association des comités de défense des locataires – ACDL, Association pour l’accueil des voyageurs – Asav, Association des familles victimes du saturnisme – AFVS, Association des travailleurs maghrébins de France – ATMF, Attac France, Bagagérue, CGT Caisse des dépôts – USCD CGT, Centre d’etudes et d’initiatives de solidarité internationale – Cedetim, Collectif Logement Paris 14, Comité national CGT des travailleurs privés d’emploi et précaires – CNTPEP CGT, Conseil National des Associations Familiales laïques – Cnafal, Collectif national droits de l’Homme Romeurope, Collectif Pour l’avenir des foyers- Copaf, Coordination nationale Pas sans nous, Droit au logement – DAL, Emmaüs France, Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s – Fasti, Fédération Logement Consommation – FLC – Adéic, Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage – Fnasat, Fédération syndicale Unitaire – FSU, Fondation Abbé Pierre, Groupe d’information et de soutien des immigrés – Gisti, Groupe de recherches et d’études syndicales du logement – Gresyl, Habitants de logements éphémères ou mobiles – Halem, Intersquat Île de France, Initiatives pour un autre monde – Ipam, Ligue des droits de l’Homme – LDH, Médecins du Monde, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples – Mrap, Secours catholique, Syndicat unifié du bâtiment Région parisienne, Confédération nationale du travail – SUB RP/CNT-F, Union syndicale Solidaires, Utopia 56, Watizat

Annexes

Article 1er bis A de la loi de sécurité globale

  1. – Au premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal, les mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 » sont remplacés par les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 ».
  2. – En cas d’introduction dans un local professionnel, commercial, agricole ou industriel, en violation flagrante de l’article 226-4 du code pénal, les agents de police municipale en rendent immédiatement compte à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ l’auteur de l’infraction ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle.

 Art. 226-4 du code pénal

L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

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