Sortie le 7 octobre 2015
Festival de Cannes 2015, Quinzaine des réalisateurs
Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont son moteur, sa fierté, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu’il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.
Philippe Faucon, réalisateur franco-marocain, poursuit avec ce film une même veine, s’intéressant à la vie de personnages situés aux croisements de deux mondes à la longue histoire commune, le Maghreb et la France (Samia, La Trahison, La Désintégration).
Pour ce film, il est parti de deux livres de Fatima Elayoubi, une femme algérienne venue en France sans savoir notre langue, et dessine le portait juste et touchant d’une femme de ménage immigrée qui élève seule ses deux filles avec courage et abnégation. Dans la veine d’un cinéma social naturaliste tout en justesse, le réalisateur signe une ode douce à cette héroïne invisible du quotidien jouée par Soria Zeroual, une actrice non professionnelle dont la vie ressemble à s’y méprendre à celle de Fatima.
« Mes héroïnes ont en commun la nécessité de s’affirmer. Quand j’ai lu Prière à la lune, le petit recueil de poèmes et de pensées de Fatima Elayoubi, j’ai tout de suite senti ce besoin très fort d’exprimer quelque chose qui n’était pas entendu, mais je me suis d’abord demandé quel film on pourrait en tirer. Et puis j’ai rencontré Fatima, plusieurs fois, et j’ai mieux compris. C’est une forte personnalité, chez qui cohabitent un grand désir de prendre la parole et une tentation de repli liée aux souffrances endurées. Fatima est faite aussi de ce qu’elle n’a pu accomplir. Elle aurait voulu continuer l’école, les circonstances l’en ont empêchée. Sa vie a souvent été dirigée par d’autres. Elle avait très envie de rétablir le contact avec ses filles, nées dans ce pays étranger dont elle maîtrisait mal la culture, la langue et les codes. Pour écrire le film, je me suis servi de l’histoire de Fatima mais aussi d’autres parcours de femmes qui s’étaient retrouvées dans des situations similaires. »
Ce faisant, Philippe Faucon, prenant le contre-pied de son film précédent La Désintégration, qui abordait la tentation de l’extrémisme, montre une histoire d’intégration réussie malgré les difficultés et la souffrance : « A l’époque, j’avais l’habitude de dire : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. » Fatima est né de ce désir de raconter la forêt qui pousse. Préserver un espoir, ça me semble important aujourd’hui…»
Intelligent, sensible, digne et sans apitoiement, Fatima ouvre les yeux sur une réalité qui nous entoure. Mais qui verra ce film ? Son sujet risque d’en limiter la diffusion ; il ne tient qu’à nous de faire en sorte que ce film soit vu.
Fatima
Fiction, France, 2014
Durée : 1h19
Réalisation : Philippe Faucon
Production : Istiqlal Films
Distribution : Pyramide