En réponse à l’éditorial d’Hubert Coudurier « Le poison de l’indigénisme » publié le 13 juin dans le journal Le Télégramme, des élus, artistes, militants affichent leur indignation face à ce texte qui « attise la haine et les divisions ». Ils dénoncent « la volonté de faire perdurer un roman national raciste. »
Dénigrement des militants anti-racistes, blanc-seing donné aux forces de l’ordre, conviction civilisatrice des colonisateurs, voilà ce que défend dans son éditorial du 13 juin Hubert Coudurier, directeur de l’information du Télégramme. Ce n’est pas le premier dérapage de cet acabit pour le patron de presse breton, mais c’est celui de trop pour nous.
Police-citoyens : repensons nos relations
« Certes, personne ne peut sérieusement comparer les violences policières en France à celles, bien réelles, aux États-Unis (six fois plus de morts en interventions, toutes proportions gardées). De plus, les Français, qui savent raison garder, contrairement à leur gouvernement de « pétochards », comme l’a justement dit Philippe de Villiers, approuvent largement les forces de l’ordre dont ils comprennent la complexité de la tâche. » – Extrait de l’éditorial d’Hubert Coudurier.
La mort aux Etats-Unis de Georges Floyd replace la question des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre au cœur du débat public français. Nier les violences policières en France, n’en faire qu’un problème américain, ne nous permettra pas d’avancer. Il est temps de se confronter à notre réalité, celle de citoyens français qui ne se sentent pas en sécurité en présence de nos forces de l’ordre, de citoyens qui se sentent discriminés et niés dans leur humanité.
Quelques mois après la mort de Steve Maia Caniço à Nantes, de Zineb Redouane à Marseille, ou de Cédric Chouviat à Paris, l’idée sous-entendue par l’éditorialiste que nos fonctionnaires de police feraient toujours et en toutes circonstances un usage strictement proportionné de la force reviendrait presque à délivrer aux policiers et aux gendarmes un permis de tuer. Certes le travail des forces de l’ordre est complexe mais nous ne sommes pas au pays des cow-boys. Comme le dit très simplement Blaise Pascal : « La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique ».
Les familles des victimes de violences policières ne défendent pas une cause égoïste et séparatiste mais bien les droits de tous les citoyens français. Ce combat rassemble aujourd’hui des dizaines de milliers de personnes à travers la France, n’en déplaise à monsieur Coudurier.
Il est temps de sortir d’une vision ethnocentrée de la colonisation
« La France a une histoire coloniale comportant des heures tragiques mais aussi de belles histoires. Beaucoup d’officiers méharistes ou de coopérants croyaient en leur mission civilisatrice » – Extrait de l’éditorial d’Hubert Coudurier.
Sans transition, le directeur de l’information en arrive ensuite aux « belles histoires » de la colonisation française. Non Monsieur, l’histoire coloniale ne porte en elle aucune once de beauté. Envahir des territoires et assujettir des peuples dans le sang et la barbarie n’a rien de romantique. Vous évoquez les gentils officiers méharistes mais oubliez au passage les Faidherbe et Bugeaud. Par votre éditorial, vous trahissez la volonté de faire perdurer un roman national raciste. Oui, la colonisation fait partie de l’histoire française et il est temps aujourd’hui de l’assumer, l’écrire, l’enseigner dans sa globalité, sans omettre aucune voix, pour sortir enfin de cette vision ethnocentrée.
Une semaine après la publication de cet édito raciste, un silence assourdissant…
Parce qu’en France, on manifeste par milliers contre le racisme mais on a bien du mal à défendre ce combat dans notre vie quotidienne.
Parce qu’en France, l’avenir de nos enfants, blancs, est plus simple que la vie de nos enfants noirs, arabes et asiatiques,
Nous, journalistes, élus, artistes, militants, citoyens français, affichons aujourd’hui publiquement notre indignation face à cet éditorial qui attise la haine et les divisions.
Signataires :
Yamgnane Kofi premier maire noir de France et ancien secrétaire d’Etat à l’intégration
Chamoiseau Patrick ecrivain, prix Goncourt 1992
Alimi Arié, avocat au barreau de Paris
Salemkour Malik président de la Ligue des droits de l’Homme
Tartakowsky Pierre, journaliste et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme
Mouss et Hakim, auteur, chanteur
Hadadi Kaddour alias HK et les Saltimbanks, auteur, chanteur
Riguidel Eugène, navigateur
Sopo Dominique, président de SOS Racisme
Labbize Souad, écrivaine
Massadian Valerie, cinéaste
Dambury Gerty, autrice/metteure en scène. membre fondatrice du collectif Décoloniser les arts
Cheb Sun Marc, auteur
Ryo Christian, directeur du festival du cinéma de Douarnenez
Jacquiau Christian , économiste, écrivain
Thomas Samuel, délégué générale des maisons des potes
Benarab–Attou Malika, ancienne député européenne EELV
Associations,Collectifs, Groupes politiques et Syndicats :
Collectif des familles victimes des violences policière Vies Volées,
Collectif Lamine Dieng,
LDH,
MRAP,
EELV,
LFI,
PCF 35,
PS 35,
Union Syndicale Solidaire 56
Formulaire de signature en ligne : Tribune citoyenne contre l’éditorial raciste du Télégramme