Quinze organisations dénoncent la modification des conditions d’acquisition de la nationalité française par les mineurs étrangers isolés qui figure dans le projet de loi relatif à l’immigration et au séjour des étrangers. Elles demandent aux sénateurs de ne pas voter cette disposition, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale sans aucun débat.
Cette disposition, qui concerne les mineurs étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance, risque d’avoir des effets extrêmement néfastes sur la qualité de l’accueil réservé à ces enfants dans notre pays.
L’article 21-12, alinéa 3 du Code civil prévoit que l’enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut, jusqu’à sa majorité, acquérir la nationalité française par déclaration. Cette déclaration peut être faite devant le juge d’instance sans qu’il soit exigé de délai de prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance.
Cette rédaction résulte de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 qui avait supprimé le délai de cinq ans de prise en charge. Le projet de loi examiné prochainement au Sénat réintroduit ce délai de 5 ans, ce qui concrètement conduit à rendre inapplicable cette disposition.
Les raisons qui avaient motivé la réforme de 1973 sur ce point semblent pourtant d’une brûlante actualité. Il s’agissait de placer dans la situation la plus favorable ces enfants privés de leurs parents et ayant souvent traversé de terribles épreuves, pour leur permettre de se reconstruire un avenir sur le sol français ; l’attribution de la nationalité française étant ainsi conçue comme un moyen privilégié de les aider à s’intégrer, et non comme l’aboutissement d’un processus d’intégration, tel que le prévoit par exemple la procédure de naturalisation.
A l’usage, ce dispositif s’est avéré être le meilleur outil d’intégration pour ces jeunes isolés. Il permet de donner du temps au suivi éducatif. Il assure un statut protecteur ouvrant droit au travail, à la formation professionnelle et garantit la pérennité du séjour sur le territoire.
Par ailleurs, le fait que ces enfants soient recueillis et élevés par les services de l’aide sociale à l’enfance constitue une véritable garantie de leur intégration ultérieure.
Si la modification de cette disposition est définitivement adoptée, les mineurs étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance n’auront désormais aucune perspective après leurs dix-huit ans et seront renvoyés à la clandestinité, à l’errance, aux trafics ou à la délinquance.
Des préoccupations tenant à la maîtrise des flux migratoires ne peuvent justifier une telle remise en cause de notre système de protection de l’enfance.