Les terribles leçons de l’affaire Laronze, paysan tué par un gendarme

Communiqué LDH

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a rendu publique sa décision du 23 décembre 2024 dans l’affaire Laronze, du nom de ce paysan de Saône-et-Loire tué par un gendarme le 20 mai 2017. Elle avait été saisie par sa sœur et par la LDH (Ligue des droits de l’Homme). Elle a relevé un ensemble de manquements déontologiques et professionnels de la part des gendarmes impliqués lors des tirs mortels.

S’agissant tout d’abord des cinq tirs atteignant le côté et l’arrière du véhicule, la Défenseure des droits a considéré qu’ils n’étaient ni absolument nécessaires, puisque le véhicule avait dépassé le gendarme auteur des tirs, de sorte que le danger éventuel n’était plus actuel et imminent, ni proportionné au but recherché (arrêter la fuite de M. Laronze). Elle a encore pointé la violation de l’article R.439-19 du code de la sécurité intérieure imposant aux gendarmes d’intervenir de leur propre initiative pour porter assistance aux personnes en danger.

Elle a surtout souligné l’absence d’enquête administrative diligentée après les faits.

Comme le rappelle régulièrement la LDH, il est urgent de modifier les conditions de l’emploi d’armes létales dans la police comme dans la gendarmerie et de confier le contrôle des forces de sécurité à une institution de contrôle indépendante pour respecter le principe de sûreté, au cœur de notre Etat de droit. Tout emploi mortel d’une arme devrait déclencher une enquête administrative par un tel organe de contrôle.

Rappelons qu’au-delà de la question de l’usage des armes par un gendarme, cette affaire s’inscrit dans le cadre de difficultés subies par les agriculteurs, qui ne trouvent pas de soutien concret de la part de la puissance publique lorsqu’ils ne participent pas à l’agriculture intensive ou à l’agro-industrie.

L’éleveur était en effet en proie à des difficultés administratives multiples et affrontait dans l’isolement l’impossibilité de faire fonctionner son élevage et de trouver des interlocuteurs susceptibles de l’aider. Lors d’un dernier contrôle, il a pris la fuite en voiture et, au bout de neuf jours, repéré dans un chemin, il a été tué de plusieurs balles qui l’ont atteint dans le dos et sur la cuisse. Il est mort faute également de gestes de premier secours qu’auraient dû lui prodiguer les gendarmes.

La LDH s’était immédiatement alertée et mobilisée, en se fondant sur les articles 9 et 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, tandis que, localement, la protestation s’organisait pour éviter que la mort de l’éleveur ne soit qu’un fait divers vite oublié.

Le 28 février 2020, saisi par la famille, le tribunal administratif de Dijon a rendu un jugement annulant les contrôles vétérinaires subis par Jérôme Laronze en 2015 et 2016 pour violation de son domicile et de ses droits fondamentaux… alors même qu’ils avaient fondé une condamnation pénale de l’éleveur ! Le tribunal administratif a reconnu les abus commis contre Jérôme Laronze de manière récurrente, et bien avant 2017, par des agents de l’Etat affectés à la direction départementale de protection des populations (DDPP) de Mâcon, avec une présence constante des gendarmes. Jérôme Laronze a donc été victime d’abus de pouvoir de la part d’agents de l’Etat et non l’inverse.

Cette affaire révèle les tensions multiples relatives au maintien de l’ordre et à la sécurité, aux rapports entre les citoyens et les forces de l’ordre, en ville comme dans le monde rural.

Paris, le 25 février 2025

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