Lettre ouverte commune dont la LDH est signataire
La France a officiellement notifié sa volonté de retrait du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), qui sera effective dans un an. Mais la bataille pour neutraliser les effets nocifs du TCE n’est pas finie. Une vingtaine d’organisations françaises de la société civile (parmi lesquelles ActionAid, Aitec, Attac, Bloom, Confédération paysanne, Collectif Stop CETA-Mercosur, France Nature Environnement, Greenpeace, LDH, etc) écrivent à Emmanuel Macron et au gouvernement français pour leur dire : « retirer la France du TCE c’est bien, en sortir conjointement et de façon coordonnée à l’échelle de l’UE, c’est mieux ». Raison pour laquelle ils les appellent à rendre publique la lettre rendant officiel le retrait de la France du TCE et à oeuvrer de façon volontariste et déterminée pour un retrait conjoint et coordonné de l’ensemble des Etats européens et de l’UE de ce traité si nocif, meilleure option pour en juguler les clauses les dangereuses pour les politiques de transition énergétique.
Un tel retrait conjoint et coordonné est possible : après l’Italie dès 2016, ce sont désormais l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie, la France, l’Allemagne et le Luxembourg qui ont annoncé vouloir sortir du TCE. L’ensemble de ces pays représentent plus de 70 % de la population européenne. La proposition de la Commission européenne, qui consistait à « moderniser » le TCE sans en neutraliser tous les aspects les plus nocifs et à décider d’en rester membre pour les décennies à venir n’a de majorité ni au Conseil de l’UE, ni au Parlement européen. En effet, celui-ci s’est majoritairement exprimé fin novembre pour un retrait coordonné et conjoint de l’ensemble de l’UE de ce traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique.
Il est désormais de la responsabilité des Etats-membres de l’UE ayant annoncé leur retrait, dont la France, de construire une majorité qualifié d’États-membres pour enclencher un retrait coordonné et conjoint du TCE. Raison de cette lettre ouverte d’organisations françaises pour appeler Emmanuel Macron et le gouvernement à ouvrer en ce sens.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron : Obtenir de l’UE un retrait conjoint et coordonné du Traité sur la charte de l’énergie
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Paris le 19 décembre 2022
Monsieur le Président,
Le 21 octobre dernier, vous avez annoncé que « la France avait décidé de se retirer du Traité sur la charte de l’énergie », ce Traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique. Nous nous sommes félicités de cette décision ainsi que de celle ayant finalement conduit la France à ne pas soutenir, lors du Conseil de l’UE, la version dite « modernisée » du TCE. Les prises de position respectives à cette occasion de l’Allemagne, de l’Espagne, des Pays-Bas, et donc de la France, ont permis que ce TCE « modernisé », qui prévoit de prolonger la protection des investissements dans les énergies fossiles sur une trop longue période, ainsi que d’étendre cette protection à de nouveaux investissements dans l’énergie (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.), ne puisse pas être entériné lors de la Conférence des États parties du TCE prévue le 22 novembre dernier.
Depuis, le Parlement européen s’est majoritairement exprimé en faveur d’un retrait coordonné et conjoint de l’UE (1) : la proposition de TCE modernisé soutenue par la Commission européenne n’a donc de majorité ni au Conseil, ni au Parlement européen. Un retrait coordonné et conjoint de l’ensemble des pays de l’UE du TCE est donc la voie la plus simple, la plus efficace et la plus sûre pour neutraliser les clauses les plus nocives de ce traité suranné : « le retrait coordonné du TCE par la France et les Etats membres de l’UE apparaît comme l’option la moins risquée pour permettre l’atteinte des objectifs climatiques et le respect des rythmes de décarbonation nécessaires à l’horizon 2030 » a ainsi statué le Haut-Conseil pour le climat (2).
Un tel retrait conjoint et coordonné, en plus d’être nécessaire, est possible. Avec le retrait déjà effectif de l’Italie (dès 2015) et les retraits annoncés de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne, de la Pologne, de la Slovénie, de l’Allemagne et du Luxembourg, soit plus de 70% de la population européenne, et sans compter les retraits supplémentaires qui pourraient encore être annoncés, il est désormais envisageable de construire une majorité qualifiée d’États-membres de l’UE pour enclencher un retrait conjoint et coordonné du TCE.
La France est désormais bien placée, aux côtés des autres États ayant annoncé leurs retraits respectifs, pour le rendre effectif. La France, et l’UE, feraient ainsi la démonstration de leurs capacités communes à débrancher un traité obsolète et incompatible avec les défis climatiques qui sont devant nous : comment accélérer et démultiplier l’ambition des politiques climatiques, y compris de fermetures d’infrastructures liés aux énergies fossiles, si une épée de Damoclès peut à tout moment retarder, renchérir ou bloquer de telles décisions ?
Possible, ce retrait conjoint et coordonné de l’ensemble des Etats-membres de l’UE est néanmoins loin d’être acquis. Raison pour laquelle nous voulons vous inviter, par ce courrier, à :
- rendre publique la lettre rendant officiel le retrait de la France du TCE ;
- vous coordonner avec les autres Etats de l’UE ayant annoncé leur retrait du TCE pour conjointement notifier auprès de la Commission européenne le souhait d’un retrait conjoint et coordonné de l’UE, sans même attendre la prochaine Conférence des Etats parties du TCE annoncé pour le mois d’avril 2023 ;
- intercéder auprès des Etats-membres de l’UE n’ayant pas (encore) annoncé leur retrait du TCE pour qu’ils envisagent sérieusement de rejoindre la France et les autres pays de l’UE ayant annoncé leur retrait ;
- œuvrer pour que d’autres États parties au TCE prennent part à ce mouvement de retrait coordonné.
Alors que l’urgence climatique se fait chaque jour plus pressante, nous comptons sur l’exécutif français pour œuvrer efficacement en faveur d’un retrait conjoint et coordonné de l’ensemble des pays de l’UE du TCE, seule voie efficace pour lever cette épée de Damoclès qui pèse sur les politiques climatiques actuelles et futures que l’UE et ses Etats-membres doivent mettre en œuvre.
Veuillez agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre respectueuse considération.
Signataires :
ActionAid France ; Aitec ; Attac France ; Alofa Tuvalu ; Bloom ; CADTM France ; Confédération paysanne ; Collectif Stop CETA-Mercosur ; Comité Pauvreté et Politique ; France Nature Environnement ; Greenpeace France ; makesense ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Les Amis du Monde diplomatique ; Sherpa ; SumOfUs ; WeMove Europe ; ZEA.
Notes :
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Résolution du Parlement européen votée le 24 novembre 2022 : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RC-9-2022-0498_EN.html
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Avis du Haut-Conseil pour le climat sur la modernisation du Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE) : https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2022/10/2022-10-19_Avis-TCE_HCC.pdf