Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création et de la LDH
Dans l’insoutenable vague de purges entreprise par le régime turc (en quatre mois, cinquante mille personnes arrêtées, plus de cent mille démises de leurs fonctions), les réquisitions du procureur d’Istanbul contre la journaliste et romancière Asli Erdogan, le 10 novembre, pouvaient sembler un épisode comme les autres dans le retour d’une grande démocratie à la dictature sous couvert de l’état d’urgence. Les dénonciations unanimes que cette annonce a suscitées montrent qu’il n’en est rien.
Arrêtée le 19 août dernier avec d’autres collaborateurs du journal Özgür Gündem, Asli Erdogan, accusée de soutenir le PKK et de faire l’apologie du terrorisme kurde, est depuis incarcérée dans la prison de Bakirköy, comme sont également incarcérés d’autres artistes dont l’auteure et traductrice turque Necmiye Alpay. Les réquisitions, qui se sont brusquement alourdies, doivent être confirmées avant la fin du mois de novembre.
La LDH et l’Observatoire de la liberté de création s’élèvent vigoureusement contre cette atteinte intolérable à la liberté d’expression. Si Asli Erdogan a été interpellée dans le cadre de ses activités de journaliste, c’est une romancière mondialement connue, lauréate de plusieurs prix et traduite dans de nombreuses langues, qui est plus particulièrement visée. En cela, la liberté de création est tout autant concernée.
La condamnation de la culture est un marqueur fort des dérives de la démocratie. Faut-il rappeler que le traducteur des Onze mille verges d’Apollinaire, Ismail Yergüz, et son éditeur, avaient d’abord été acquittés des accusations de pornographie par le tribunal d’Istanbul, au regard du caractère littéraire de l’œuvre, avant que l’acquittement ne soit annulé en 2013 par la cour d’appel ? La répression morale des libertés d’expression et de création était donc le premier pas vers une censure généralisée. Aucune démocratie n’est à l’abri de ces dérives, surtout lorsqu’un état d’urgence prolongé de mois en mois permet des mesures d’exception.
Une autorité répressive est une autorité malade, car sa politique ne suffit pas à s’imposer d’elle-même. Cette maladie est contagieuse. Notre devoir, par solidarité avec le peuple turc autant que pour la préservation des démocraties partout dans le monde, est de dénoncer sans concession les atteintes aux libertés fondamentales. Nous ne nous tairons qu’après la libération immédiate et l’abandon de toutes les charges contre Asli Erdogan ainsi que contre toutes les victimes d’une purge aveugle. Nous demandons au président de la République française ainsi qu’aux gouvernants de tous les États européens de faire pression sur la Turquie en ce sens.
Paris, le 18 novembre 2016
Membres de l’Observatoire de la liberté de création
- Ligue des droits de l’Homme
- Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion)
- Addoc (Association des cinéastes documentaristes)
- Aica France (Section française de l’association internationale des critiques d’art)
- ARP (Association d’auteur-réalisateurs-producteurs)
- CPGA (Comité professionnel des galeries d’art)
- Fédération nationale des arts de la rue
- Les Forces musicales
- Ligue de l’enseignement
- SFA-CGT (Syndicat français des artistes interprètes)
- SFCC (Syndicat français de la critique de cinéma)
- SGDL (Société des gens de lettres)
- Snap-CGT (Syndicat national des artistes plasticiens)
- SNSP (Syndicat national des scènes publiques)
- SRF (Société des réalisateurs de films)
- Syndeac (Syndicat des entreprises artistiques et culturelles)