Communiqué du Gisti, de la LDH et du Syndicat de la magistrature
Ceux qui ont voulu faire taire le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat de la magistrature en seront pour leurs frais. La libre critique des décisions de justice, y compris par un syndicat de magistrats, sort aujourd’hui renforcée par le jugement de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris estimant que le délit de discrédit[1] n’est pas constitué.
Sous le titre « Les apparences pour preuve », le Gisti, la LDH et le Syndicat de la magistrature avaient publié, le 21 mai 2015, un communiqué commun critiquant une décision de la cour d’appel de Paris qui refusait à un jeune étranger isolé sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, préférant, pour conclure à sa majorité, des appréciations sur son allure et son attitude à des documents d’identité déclarés authentiques.
Dans le viseur du parquet de Paris qui a jugé opportun d’engager des poursuites-bâillon : la liberté d’expression d’organisations historiques, convaincues que le droit de critique ne s’arrête pas à la porte des tribunaux. De manière inédite, l’infraction de discrédit porté sur une décision de justice a été brandie contre tous, avec une arrière-pensée pour un syndicat de magistrats habitué à faire l’objet de tentatives de déstabilisation.
A l’audience du 12 octobre 2016, nous avons opposé une défense sans concession à cette police de la critique. Pas question pour nous de passer sous silence la situation dramatique des mineurs isolés étrangers rejetés de toutes parts et exposés à subir des tests osseux non pertinents et indignes. Ce débat d’intérêt général, comme d’autres, justifie une critique libre et forte d’une décision de justice garantie par la jurisprudence de la CEDH pour les associations comme pour un syndicat de magistrats. Et rien ne saurait entraver la liberté d’expression syndicale obtenue de haute lutte par le Syndicat de la magistrature.
En jugeant que « les limites de la critique admissible sont, en l’espèce, d’autant plus larges que les auteurs des propos sont […] des militants reconnus et engagés contribuant à la diffusion d’informations et d’opinions susceptibles d’enrichir le débat sur le sujet d’intérêt général abordé » et qu’ils « n’ont pas excédé les limites de la liberté d’expression », le tribunal remet l’infraction de discrédit à sa place.
Reste au législateur à l’abroger.
Paris, le 23 novembre 2016
Téléchargez le jugement (copie de travail non officielle)
[1] Les poursuites se fondaient sur l’article 434-25 du Code pénal qui punit « le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance ».