Tribune de Florent Guéguen et Christophe Robert, porte-parole du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement (dont la LDH est membre), qui interpellent le président Macron sur la hausse du nombre de personnes, et notamment d’enfants, sans abri ou mal-logées.
Monsieur le président de la République, à la veille de vos vœux aux Français, le collectif vous demande d’intervenir vite et avec détermination pour enrayer l’augmentation dramatique du nombre de personnes sans domicile fixe ou mal logées, dont de nombreux enfants en famille contraints de vivre à la rue ou dans des abris de fortune.
A Paris, ce sont près de 500 enfants en famille qui appellent chaque jour le 115 sans obtenir d’hébergement. Une multiplication par 4 des appels en trois ans, quand 20 000 enfants vivent déjà dans des conditions très précaires à l’hôtel en Ile-de-France. Une crise humanitaire qui s’étend dans la plupart des grandes villes, comme Lyon, Toulouse, Bordeaux, Marseille ou Rennes, confrontées à une nette progression du nombre de personnes vivant en squats ou dans des campements indignes.
Face à la crise, les services de l’Etat sont mobilisés au côté des associations pour trouver des solutions, mais la reconduction à l’identique du plan d’hébergement de l’hiver dernier annoncée par le ministre du Logement ne suffira pas à apporter une solution digne à toutes les personnes vulnérables.
Face à une situation indigne de la septième puissance économique mondiale, le Collectif vous demande de vous engager à ce qu’aucun enfant ne soit contraint de vivre à la rue à partir de janvier 2020. Cet objectif, qui doit être élargi à l’ensemble des personnes sans domicile, est atteignable si l’Etat mobilise immédiatement tous les sites disponibles en sa propriété, des collectivités locales ou des entreprises privées pour ouvrir des centres d’accueil adaptés, y compris via la réquisition lorsque cela s’avère nécessaire. Les conseils départementaux, compétents dans la prise en charge des mères seules avec enfant de moins de 3 ans, doivent prendre part à cette mobilisation nationale.
Lutter efficacement contre le sans-abrisme suppose aussi de mettre fin aux discriminations dans l’accès et le maintien dans l’hébergement via la publication d’une circulaire du Premier ministre rappelant aux préfets les obligations d’accueil inconditionnel et continu de toute personne en situation de détresse sociale. L’Etat doit aussi s’engager de manière beaucoup plus volontariste dans la résorption des bidonvilles, squats et campements indignes qui se développent sur le territoire. Trente mille places d’hébergement (dont 10 000 dès 2020) doivent être créées pour les personnes et familles en demande d’asile qui sont aujourd’hui contraintes de vivre dans des abris de fortune faute de places disponibles dans le dispositif qui leur est dédié.
Mais au-delà de ces mesures d’urgence, l’éradication du sans-abrisme passe par une réorientation sociale de la politique du logement qui est aujourd’hui mise à mal par des coupes budgétaires majeures imposées aux locataires les plus modestes et au secteur du logement social.
Nous vous demandons ainsi de renoncer à toutes les mesures d’économies réalisées depuis 2017 sur les APL (baisse de 5 euros, gel en 2017, sous-indexation à 0,3 % en 2018 et 2019…), d’augmenter rapidement les aides de l’Etat dédiées à la construction de logements sociaux et de revenir à une TVA à 5,5 % pour toutes les catégories de logements vraiment sociaux. Pour juguler les expulsions locatives qui sont en constante augmentation, les associations vous demandent également de vous engager à ce qu’aucun ménage ne soit expulsé en 2020 sans solution de relogement, ce qui impose d’augmenter le fonds d’indemnisation des propriétaires qui a fortement baissé ces dernières années. Loger les personnes et familles sans domicile suppose enfin d’atteindre au plus vite les objectifs légaux de 25 % d’attribution de logements sociaux.
Monsieur le président, la détermination que nous attendons de vous pour lutter contre le fléau du mal-logement doit être à la hauteur des souffrances sociales subies par les personnes qui en sont les victimes.
Paris, le 29 décembre 2019