Mondial : la France « Bleu Karim » ?

Par Dominique Guibert, vice-président de la LDH

C’est parti ! Comme on dit dans les cercles autorisés, six semaines de passion, de jeux. Phrase favorite du commentateur de base : « Donnez-nous du plaisir ! » Avec un regard froid et critique, c’est à la fois risible, et dérisoire. Comment une chose aussi insignifiante qu’une compétition pour savoir qui est le meilleur sur un espace de quelques centaines de mètres carrés peut-elle prendre tant d’importance ? Et même totalement extérieurs à l’événement, et assurément non engagés dans une communion qui importe peu pour le sort du monde, il nous arrive d’apprécier que la France se sente un peu « Bleu Karim », à la place de la « Bleu Marine » qui pense dominer la politique. Au bout du compte, que la France perde ou gagne est secondaire. Et même si l’on dit que le sport est la poursuite de la guerre par d’autres moyens, il pourrait être compréhensible que l’on préfère le premier à la deuxième. Ce sentiment n’empêche pas de rester lucide sur la réalité des choses. Sous le ballon rond, tout ne tourne pas rond.

Le football est le seul sport véritablement mondial. En conséquence, tous les domaines de la vie, la politique, la société, l’économie sont concernés. Quoique nous en ayons, peu ou prou, tout le monde regarde et commente le soir ou le lendemain. Au gré des résultats de « son » ou de « ses » équipes, il y a quelque chose d’incontestablement ludique dans ce partage. Voire même une vague d’enthousiasme. Et dans cette période où les bonnes nouvelles sont rares et la concurrence de tous contre tous la règle, cette espèce d’union marche, au moins pour la majorité des personnes.

Il est vrai qu’il s’agit plutôt d’un monde d’hommes et que les représentations, les publicités, les façons de s’investir sont avant tout une affaire de… genre. Le sport, et surtout les commentaires sont masculins. Et les publicités jouent jusqu’à la nausée de cette survalorisation de cet univers de domination.

Dans notre dossier, nous proposons un inventaire subjectif de quelques mots du mondial. Une sorte de préface à une sociologie politique de l’événement. Dominique Guibert s’est livré à cet exercice en espérant que sous la littérature, la lectrice et le lecteur verront la politique.

Mais une compétition, c’est aussi un pays et un contexte. En l’occurrence, le Brésil, ce grand pays dont peu de Français savent qu’il a 1 200 km de frontières communes avec la France. Car la Guyane, département français, est là, au nord de l’Oyapoké, avec ce pont autorisé aux marchandises mais interdit aux hommes et aux femmes qui, pourtant, vivent sur les rives du fleuve. Le Brésil est un pays dont l’impact régional est considérable. Et à ce titre tout ce qui s’y passe ne peut qu’interroger. Hélène Bouneaud montre les lignes de désenchantement entre le mythe et le réel.

Le foot, c’est aussi une multitude d’institutions dont une internationale, la Fédération internationale de football association (Fifa), et une française spécifique, la Fédération française de football (FFF) (il existe aussi des fédérations multisports dont on parle moins, comme la FSGT, mais c’est une tout autre histoire dans laquelle ce n’est pas l’aspect « fric » qui domine). Or, ces institutions produisent de la réglementation. Elles construisent de la norme et une question essentielle est de savoir si cette dernière correspond à celle de la loi et des droits. Il est de la responsabilité d’une organisation de défense et de promotion des droits de vérifier si la norme appliquée est d’un côté ou de l’autre. Et d’agir pour faire correspondance entre les deux. C’est ce qui explique notre acharnement à mettre sous observation des organisations dont nous constatons, depuis 2009, qu’elles s’exonèrent de ces obligations. Isabelle Denise décortique le moment où nous en sommes dans la délivrance de licences à de jeunes enfants d’étrangers et Pascal Nicolle, avec l’aide la section LDH de Colomiers, révèle quelques questions gênantes en matière de recrutement de la part du Barça, le club prestigieux de Barcelone. Où l’on voit bien que quelquefois, la FFF, qui dit appliquer d’un côté les directives de la Fifa, sait s’en passer en cas de besoin.

 

 

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